Chronique

Keyko Nimsay

Keyko’s Dream Jazz’aïrya Project

Keyko Nimsay (voc), Franck Nicolas (tp), Mario Canonge (p), Michel Alibo (b), Karim Ziad (dm, perc), Jasser Haj Youssef (vin), Arnaud Dolmen (dm, perc)

Keyko Nimsay, qui signe ici son premier album sous son nom, est née en Algérie. Tout en voyageant de New York à Paris, où elle a croisé la route de Mark Turner, Lonnie Plaxico, Alain Jean-Marie ou encore Hevé Samb, elle s’est constitué, avec le trompettiste Guadeloupéen Franck Nicolas, un répertoire très personnel basé sur le métissage musical.
En effet, l’ambition de la chanteuse et du trompettiste est de tisser un lien solide entre le jazz, la musique orientale et le Gwo-Ka.
L’expérience est souvent très concluante, mais nous laisse, parfois aussi, un peu sur notre faim. Pour preuve avec un trop maniéré « Dunes », un trop gentil « Biguine For Franz Fanon » ou un bien trop lisse « ‘Round Midnight » débarrassé de toute aspérité et donc de toute saveur.
Du côté des bonnes surprises par contre, il faut souligner, par exemple, le morceau-titre « Keyko’s Dream » où le chant se mélange avec grâce et sensualité aux sons de la trompette serpentante et fantomatique de Franck Nicolas. Ailleurs, « Wham & Khayel Oriental Valse » enlevé et joyeux, ou « NaNouara Blues » poignant et sensible, sont aussi de séduisantes réussites.
Pour mener à bien cette périlleuse mission, Keyko Nimsay s’est entourée de quelques-uns des meilleurs jazzmen capables de rendre avec justesse cette musique particulière. Derrière le piano ou le Rhodes, on retrouve Mario Canonge au jeu chatoyant et ondulant, à la basse électrique l’efficace Michel Alibo et aux drums le brillant Karim Ziad.
Et sur quelques morceaux, la chanteuse a invité un extraordinaire violoniste et joueur de viole d’amour : Jasser Haj Youssef. Avec lui, des thèmes beaucoup plus clairement ancrés dans la musique traditionnelle arabe (« Tassili N’Jajjer Prelude » ou « « Ya Qalbi Interlude » par exemples) sont d’une intensité rare. Quant à « Ya Badr Biguine Orientale », il est sans doute l’une des plus belle réussite de cette fusion entre le Gwo-Ka et la musique d’Afrique du Nord.

Tout au long de l’album, Keyko Nimsay mêle avec beaucoup d’assurance et d’élégance le chant arabe et le jazz. Le phrasé est souple et la tessiture est large. Et quand elle ne chante pas, Keyko se fait instrument et use de sa voix graineuse et profonde pour souligner fort à propos les mélodies souvent dansantes. Elle réussit également de belles performances vocales, sur « Sahara » notamment, où elle se permet quelques excentricités excessivement bien maîtrisées.

Avec son approche assez originale, Keyko’s Dream devrait intéresser les curieux et les amateurs de mélanges originaux.