Portrait

Mario Canonge déborde de vitalité.

Le nouveau trio de Mario Canonge propage une énergie fastueuse.


Mario Canonge Trio @ Jeremy Bruyere

Lorsque Mario Canonge s’investit dans un projet, il s’y donne corps et âme. Il est passé par toutes formes d’expériences musicales, peu importe les différences de styles, ils n’ont pas de préférence avouée à ses yeux car seule compte l’authenticité partagée avec de nombreux artistes.

C’est un musicien accompli qui évoque de nombreuses anecdotes vécues avec une voix chaleureuse ; sa soif de partage est communicative et chacun de ses projets est propagateur d’allégresse.

Lorsqu’il s’initia au piano à l’âge de quatorze ans, Mario Canonge était loin de s’imaginer qu’il aurait ce rôle fédérateur entre la Martinique et l’Hexagone. Dans son île natale, les habitants l’attendent afin qu’il interprète ses compositions anciennes connues de toutes et de tous pour l’accompagner en chantant : l’exultation se marie alors à l’épanouissement. Le scénario se répète dans chaque lieu animé des Antilles : Mario est l’enchanteur qui perpétue les musiques antillaises ; ici la mémoire est vive et généreusement partagée. Le jazz, qui est l’une des nourritures favorites de notre pianiste, est en revanche plus destiné aux festivals, établissant une forme d’expérimentation contemporaine qui engendrera à coup sûr de futurs standards.

Mario Canonge @ Jeremy Bruyere

À dix-sept ans, Mario Canonge accompagne une chorale martiniquaise, ce qui lui permet de faire une tournée dans l’Hexagone avec rien de moins qu’Al Lirvat, ce génial tromboniste inventeur dans les années cinquante du wabap, mélange de bebop, d’afro cuban-jazz et de biguine antillaise. « Ce fut un grand moment. J’ai été influencé également par Marius Cultier : j’aimais ses disques où je retrouvais les harmonies du jazz qui m’ont influencé. Les frères Bernard et Alain Jean-Marie furent eux aussi incontournables. J’ai un faible pour la voix de mon ami Ralph Thamar qui a chanté sur beaucoup de mes albums, sa façon de poser sa voix me fait toujours penser à João Gilberto}}} ».

Après l’aventure du groupe Ultramarine qui rencontra un énorme succès, notre homme continue à pratiquer le piano acoustique en vénérant sa trilogie fondamentale, Duke Ellington, Thelonious Monk et Bill Evans. « Ces trois personnages sont inégalables. J’aime aussi Ahmad Jamal et je me suis rendu compte que je partageais certaines similitudes tout à fait involontaires avec lui, une certaine forme de liberté ».

Le trio est le format préféré de Mario Canonge. Il ne néglige pas pour autant le solo mais reconnait que c’est alors une communication avec soi-même qui s’instaure. Le duo lui convient en particulier lorsqu’il joue avec son vieux complice Michel Zenino à qui il voue un profond respect, leur groupe Quint’up illustrant bien leur inventivité commune. Le plus surprenant est son attirance particulière pour les duos piano-batterie, comme si les rythmes ne cessaient de tournoyer inlassablement autour de Mario.

Aujourd’hui, c’est le trio qui absorbe l’univers de ce pianiste qui a compris l’importance de jouer avec le silence - il sait parfaitement combien l’envie de combler un vide est un risque. Michel Alibo est un partenaire de choix : Mario le connaît depuis longtemps et l’un des enregistrements favoris du pianiste est leur album Rhizome, enregistré à New-York en 2004. «  Le jeu de Michel Alibo est riche, il a d’innombrables idées tout en allant dans les rythmiques que j’apprécie ; il possède cette capacité à jouer les musiques de tous pays et il influence positivement ses partenaires  ». Au sujet d’Arnaud Dolmen, il ne tarit pas d’éloges. « Très jeune, Arnaud jouait certains de mes morceaux avec des musiciens guadeloupéens de sa génération. C’est un vrai bonheur de l’avoir à mes côtés aujourd’hui. Il ne se satisfait de rien, il est dans la recherche continuellement. Dans la musique antillaise, les tambours ont une place importante et Arnaud en est l’un des grands connaisseurs  ».

Mario Canonge est humble : il parle plus avec passion de ses partenaires musicaux que de lui-même et n’oublie pas de dire combien le duo d’Alain Jean-Marie et d’Annick Tangorra est splendide. Il est primordial de découvrir en direct Mario Canonge et sa rythmique de choix : ce trio où les richesses des phrasés sont interconnectées sera sur les routes à l’automne prochain.