Chronique

Le monde instrumental d’Alain Goraguer

Jazz et musiques de films

(1956-1962)

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

Dans la grande tradition française de la musique de films, il y a des noms qui restent. Sans parler de nostalgie mal placée, la période antérieure aux années 90, de François de Roubaix à Vladimir Cosma, a plus de charme que nos contemporains, souvent réduits à passer des plats. Parmi les noms mythiques, il y a Alain Goraguer. Le pianiste est tout autant célèbre pour ses orchestrations de films comme L’Eau à la bouche que pour son statut d’arrangeur sorcier. Pour cette dernière tâche, il s’est illustré aux côtés de son ami Boris Vian et de Serge Gainsbourg et plus tard, sous pseudo, pour Jean Ferrat. Une personnalité au carrefour du jazz, de la chanson et de la musique fonctionnelle qui fait l’objet d’un début d’anthologie dans le catalogue patrimonial de Frémeaux & Associés.

Trois disques pour la riche période de 1956 à 1962, c’est ce qu’il faut pour prendre du recul sur cette musique et observer la succession de vinyles plus ou moins anecdotiques qui forment un tout très riche. Car on y trouve de tout et même du n’importe quoi qui fait franchement plaisir à nos oreilles curieuses, comme cet improbable Un soir chez vous avec Jacqueline Joubert, remarquablement orchestré malgré son évident caractère publicitaire. Mais sur le même disque, le second, on trouve aussi ce petit bijou qu’est « Nous avions vingt ans », partie de la BO du Bel Âge et future chanson de Magali Noël présente sur l’album Rock’n’Roll : Naissance d’un nouveau rythme en France de Boris Vian. Sur ce morceau, on peut apprécier la finesse de Goraguer au piano, pour jouer ce thème simple et léger.

Le jazz est au centre de tout cela.
Né en région parisienne puis installé à Nice, Goraguer est très tôt acculturé à cet musique. Et si l’on connaissait l’album Go, Go… Goraguer présent ici, on découvre quelques titres en trio avec Paul Rovère à la contrebasse et Christian Garros à la batterie (« Star Eyes »), ainsi que de nombreux instrumentaux de Gainsbourg indubitablement dans ce champ (« Ce mortel ennui »). Dans le dernier CD, on découvrira même que Goraguer a enregistré quelques morceaux sous le nom de Laura Fontaine (photo d’album vaporeuse et surannée à la clé, un régal…) pour de nombreux standards, comme « My Funny Valentine » ou « My Heart Belongs to Daddy », avant de jouer le « Une petite fille » de Nougaro en double orchestre avec un autre arrangeur, François Rauber. Une documentation très enrichissante.

par Franpi Barriaux // Publié le 31 mai 2020
P.-S. :

Crédités : André Popp, Alain Goraguer, Clara Edwards , Jack Shaindlin, Don Raye, Eddie De Lange, Jean Nohain, Richard Rodgers, Ned Washington, Howard Dietz, Frederick Hollander, Cole Porter, Duke Ellington, Hoagy Carmichael, Serge Gainsbourg, Jo Moutet, Charles Greanet, Al Hoffman, Hubert Ithier, Eddy Marnay, André Salvet, Guy Béart, Harry Warren, Walter Hirsh, Jerome Kern, Art Hickman, Arthur Johnston, Harry Gillepsie , Claude Nougaro, Jacques Datin, François Rauber, Hank Williams, Peter Udell, Lenny Escudero, Colette Mansart