Chronique

Lina Allemano

Canons

Lina Allemano, tr ; Peggy Lee, cello ; Brodie West, clar ; Mike Smith, effects ; Rob Clutton, b ; Ryan Driver, synth ; Tim Posgate, g ; Matthias Müller, trb

Label / Distribution : Lumo Records

L’art du canon en musique remonte à la nuit des temps et traverse le champ des musiques profanes aussi bien que sacrées. Le procédé qui consiste à reprendre une mélodie en décalé sert de base à l’ensemble du disque. Lina Allemano, trompettiste canadienne et berlinoise (alternativement) s’en amuse et propose avec ce nouveau projet une série de pièces qu’on peut classer en deux catégories. D’un côté les morceaux créés par le duo qu’elle forme avec Mike Smith (qui existe sous le nom BLOOP) et de l’autre les pièces plus acoustiques avec des musicien·ne·s invité·e·s.
Dans tous les cas, entre les parties écrites en canon, se lovent des interactions improvisées dont les couleurs très différentes donnent un aspect orchestral à ce disque alors même que les effectifs sont réduits.
Sur « Bobby’s Canon », la trompettiste est en trio avec Peggy Lee au violoncelle et Brodie West à la clarinette (également membre de son quartet habituel) et le timbre boisé et aérien de l’ensemble se marie parfaitement avec l’architecture minimaliste de la pièce.
Les quatre pièces jouées par le duo BLOOP sont autant d’interludes aux étranges accents qui viennent ponctuer la narration du disque. Un autre assemblage, en quartet, interprète deux pièces « Butterscones » et « Twinkle Tones » : Rob Clutton (b), Ryan Driver (synth) et Tim Posgate (g). Le tempérament bruitiste de la trompettiste reprend le dessus sur ces morceaux et les échanges entre les musicien·ne·s sont plus stridents et radicaux.
Enfin, sur « Canon of Sorts », c’est en duo avec l’excellent tromboniste Matthias Müller que se déroule l’échange, dans un style qui, pour le coup, remonte pratiquement à Monteverdi.
Lina Allemano confirme sans cesse sa faculté à surprendre, à composer avec précision, humour et finesse et à savoir appréhender les éléments qui composent les atmosphères qu’elle crée. Du minimalisme mélodique au bruitisme dépecé en passant par le jazz classique, elle abat les murs pour faire entrer la lumière et ouvrir l’espace.
Ce disque vient aussi fêter le 20e anniversaire du label Lumo Records, une belle longévité pour un projet auto-produit !

par Matthieu Jouan // Publié le 29 octobre 2023
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