Portrait

Lionel Hampton, connu et méconnu

Une discographie sélective pour (re)découvrir le maître des mailloches.


Pour clore notre série sur Lionel Hampton, une sélection discographique élaborée par Philippe Méziat.

Mes remerciements à Christian et Guillaume Dupin, amis personnels de Lionel Hampton, qui m’ont emmené avec eux là-bas (P.M.).

Illustre et au fond mal connu, tel apparaît aujourd’hui Lionel Hampton. Un petit tour dans les bacs ne sera donc pas inutile…

Mais auparavant, quelques remarques. Comme je m’étonnais que Lionel Hampton (né le 12 avril 1909, mort à New York le 31 août 2002) ait marqué sa préférence en quelques occasions pour les candidats républicains à la Présidence des États-Unis, et comme j’arguais que ceux-ci ne figurent pas parmi les foudres de guerre de la lutte anti-raciale, il me fut répondu que la chose n’était ainsi que depuis Kennedy et que les Républicains d’avant les années 60, souvent élus du Nord ou de l’Est, étaient les seuls à porter quelque peu l’idéal antiségrégationniste, à la différence de leurs rivaux Démocrates, souvent issus du Sud ou de l’Ouest. Dont acte. Le « Républicain » Lionel Hampton l’était plus par fidélité à des valeurs du passé que par référence au présent. Cela explique sans justifier, puisqu’il n’est interdit à personne de changer d’avis, et de camp…

Autre chose : vibraphoniste, batteur, pianiste, chanteur, compositeur et chef d’orchestre, Lionel Hampton était aussi, et depuis fort longtemps, showman, animateur d’émissions de télévision, et il figurait à ce titre parmi les musiciens que l’on soupçonne – comme Louis Armstrong – de servir sur un plateau (de télévision, de cinéma) aux Blancs l’image du Noir souriant et facétieux. On n’entrera pas ici dans ce débat ; on rappellera seulement qu’une des réponses de Hampton à cette accusation fut de créer une fondation (la « Lionel Hampton Development Corporation ») destinée à la construction d’immeubles et d’écoles pour les Noirs à Harlem. Et je n’y vois une « réponse » que parce que l’on pose la question. Aujourd’hui, il semble bien que cette manière d’interroger soit dépassée. A la fin de sa vie, Lionel Hampton continuait à faire vivre nombre de personnes autour de lui. Et s’il tenait encore le devant de la scène avec son big band, ce n’étaitt certainement pas pour des raisons « personnelles »… Après la mort de son époque Gladys, et dans la plus grande discrétion, Hampton servait aux autres plus qu’il ne se servait…

Mais venons à l’œuvre, puisqu’il y a lieu quand même d’en parler. La trajectoire est simple : repéré par Benny Goodman, Lionel Hampton est d’abord l’une des attractions du célèbre quartet (l’autre étant Gene Krupa), et c’est à ce titre, et avec cette réputation, qu’il est à l’origine de ce que l’on considère comme la « crème » des petits combos de l’époque « swing », savoir les formations réunies sous son nom entre 1937 et 1941 par la firme RCA, en réponse à ce que la CBS faisait de son côté avec… Teddy Wilson, pianiste du même quartet de Benny Goodman ! On ne s’étonnera pas d’y trouver par conséquent un peu les mêmes, à l’exception de Bille Holiday qui est liée par contrat à CBS, et bien sûr de Teddy Wilson et Lester Young. Sinon, de Johnny Hodges à Coleman Hawkins en passant par Cootie Williams, Cozy Cole, Hershel Evans, Milt Hinton, Harry Carney, Chu Berry, Dizzy Gillespie, Rex Stewart, Ben Webster, Charlie Christian, Benny Carter, Harry James et tant d’autres, tous sont là, solistes connus ou moins connus des grandes formations de l’époque On trouve facilement ces disques magnifiques, et ces chefs d’œuvre absolus que sont « Whoa Babe », « On The Sunny Side Of The Street », etc.

Début 41, le grand orchestre est formé, il est encore actif aujourd’hui. Une longévité unique, fondée sur la personne du leader. Quant à l’image musicale du groupe, elle est assez floue, et souffre de la comparaison avec les grands orchestres qui restent actifs pendant les mêmes années, Duke Ellington, Count Basie, quelques rares autres. Il faut dire cependant que la « machine à swing » hamptonnienne pousse assez loin l’expressionnisme entre les années 40 et 50, qu’elle fait ses choux gras d’arrangements « bop » tout à fait excitants, et que le seul reproche qu’on puisse lui faire c’est d’avoir accueilli trop de styles divers, au risque de manquer, pour le public savant, d’identité forte. Au milieu de tous les jeunes qu’il forme et accueille (de Mingus à Clifford Brown en passant par Dexter Gordon, Illinois Jacquet, Johnny Griffin, Kenny Dorham, Fats Navarro, Betty Carter, Jerome Richardson, Benny Powell, Art Farmer, Gigi Gryce, Anthony Ortega, Quincy Jones, Nat Adderley et même… Thomas Chapin !) Lionel Hampton se révèle grand improvisateur, et donne de temps en temps de véritables chefs d’œuvre de swing et d’invention comme « How High The Moon » et « Stardust » (1954, Apollo Hall Concert). Ses passages à Paris, ou plus tard au Japon, en Espagne, à Londres, donnent lieu à de très nombreuses séances où les musiciens locaux sont invités. Et rien ne l’effraie, puisqu’il est sans doute l’un des premiers à avoir tenté l’expérience du « jazz flamenco », avec Tete Montoliu et une joueuse de castagnettes (Madrid, 30 juin 1956, qui dit mieux ?), et que son disque « Hampton & The Old World » réunit des thèmes suédois, anglais, irlandais, français, hollandais, italiens et allemands. Très actif pour Norman Granz dans les années 50, il laisse des disques superbes avec Stan Getz (« Hamp & Getz »), avec Art Tatum, Buddy De Franco, Oscar Peterson, mais ces derniers viennent de faire l’objet d’une superbe réédition, et ils ont été chroniqués en bonne place. Depuis la fin des années 60, la discographie du big band est très confuse : Hampton enregistre un peu partout, surtout en « live », ou laisse faire autour de lui…

The Complete Lionel Hampton, sessions RCA

Voir plus haut. On retrouve ces prises dans la série « Chronological » de chez Classics (albums de 2 CD). Et puis « Mosaic Records » vient d’en publier l’intégrale absolue…

The Chronological (Classics)

Une série interrompue, hélas, qui doit s’arrêter pour Hampton vers 1953. Il faut donc, pour compléter, chercher les originaux Clef ou Verve en ce qui concerne le big band. Le reste est bien réédité par Universal (voir plus bas)

Midnight Sun

S’il n’en fallait qu’un de la période Decca, avec « Midnight Sun » que même la grande Abbey Lincoln a jugé bon d’inscrire à son répertoire, et « Mingus Fingers ». Universal ne semble pas préoccupé de rééditer ce fond. Il est vrai qu’avec la loi sur le passage dans le domaine public.

Hamp And Getz (Verve/Universal)

Pour un phénoménal « Cherokee », et toute la session. Quels swingmen, ces deux-là !

Lionel Hampton’s Paris All Stars (Vogue/BMG)

En 1953, avec Alix Combelle et Mezz Mezzrow. Mais oui !

The Complete Lionel Hampton Verve Studios Sessions, avec Oscar Peterson (Verve/Universal)

Un coffret superbe, un peu douloureux pour le porte-monnaie.

You Better Know It !!!" (Impulse/Universal)

Est-il encore trouvable, ce disque enregistré avec Clark Terry, Ben Webster, Hank Jones, Milt Hinton et Osie Johnson ?