Chronique

Magma

Köhntarkösz

Christian Vander (dms, voc, p, perc), Jannick Top (elb, vlc, voc, p), Klaus Blasquiz (voc, perc), Gérard Bikialo (p, org), Michel Graillier (p, kb), Stella Vander (voc), Brian Godding (elg).

Label / Distribution : Seventh Records

Paru en 1974, Köhntarkösz est sans doute l’album studio majeur de Magma, à l’époque où la relation quasi télépathique entre Christian Vander et Jannick Top tutoyait les sommets. Ce que nous avions expliqué ici-même en racontant l’histoire de cet enregistrement d’une façon personnelle. Détaché des influences majeures que constituaient Carl Orff et Igor Stravinsky au temps de Mëkanïk Destruktïw Kommandöh [1], le groupe propulsait sa musique vers de hautes sphères et définissait alors un langage unique autant qu’extatique (nous ne parlons pas ici du kobaïen) dont la tension était telle que la dislocation du binôme, peu de temps après, constitua une demi-surprise. La tentative de dépassement que fut, en 1976, l’expérience sans lendemain Vandertop, aboutit au même résultat.

Ce disque a fait l’objet de différentes rééditions : en CD d’abord, à la fin des années 90 puis, quelques années plus tard, au sein d’un coffret regroupant tous les enregistrements studio de Magma. L’année dernière, une version remasterisée en vinyle avait vu le jour, pour la joie des adeptes de ce format revenu au goût du jour. On n’oubliera pas non plus plusieurs versions en public, au premier rang desquelles celle de l’album Magma Live en 1975, qui avait permis de découvrir un jeune violoniste de dix-neuf ans du nom de Didier Lockwood.

Alors pourquoi évoquer cette nouvelle réédition ? Non pour l’original lui-même, bien connu des adeptes et toujours aussi fascinant, mais pour la présence d’un bonus Live in Beijing qui, disons-le, suscite l’émotion en ce qu’il s’apparente à une forme de testament. En ce printemps 2015, dans une formation très différente de celle des années 70 [2], Magma effectue une courte tournée en Chine [3]. Le 30 mai, les Kobaïens sont sur la scène du Yugong Yishan Live Music Club de Pékin. Au répertoire de cette soirée, les 32 minutes de « Köhntarkösz », illuminées par un solo foudroyant et totalement habité du guitariste James Mac Gaw, qui aurait dit au groupe : « C’est le meilleur chorus que j’aie fait sur ce morceau ». Il est vrai que l’homme était coutumier de ces faits d’armes, lui qui avait formé avec une poignée de magmaïens le groupe One Shot afin de déployer les fastes d’un jazz rock prospectif héritier du Lifetime de Tony Williams aussi bien que de King Crimson. Ce moment si intense est donc un autre sommet, dont le guitariste ne reviendra pas. James Mac Gaw devra s’éloigner de Magma peu de temps après, pour lutter contre une maladie qui l’emportera six ans plus tard.

Publié en hommage au guitariste disparu, ce Köhntarkösz revêt par conséquent un caractère doublement essentiel.

par Denis Desassis // Publié le 9 juillet 2023

[1Qui fêtera cette année son demi-siècle avec la parution d’un coffret spécial.

[2Stella Vander (voc, perc), Isabelle Feuillebois (voc), Hervé Aknin (voc), Benoît Alziary (vb), James Mac Gaw (elg), Jérémie Ternoy (Fender Rhodes), Philippe Bussonnet (elb), Christian Vander (dms).

[3La première pour le groupe, qui fera l’objet d’un film documentaire signé Coralie Van Rietschoten, Nihao Hamtaï.