Chronique

Mario Stantchev

Monk and More

Mario Stantchev (p), Dimitar Karamfilov (b), Hristo Yotsov (dms)

Label / Distribution : Cristal Records

Il faut toujours revenir aux émotions adolescentes. Le pianiste Mario Stantchev, que l’on entend depuis des années fouiller les archives et le patrimoine avec son vieux camarade Lionel Martin, évoque Thelonious Monk en souvenir des ses jeunes années bulgares, quand on l’écoutait en cachette, de l’autre côté du rideau de fer. Accompagné de deux musiciens de Sofia, le contrebassiste Dimitar Karamfilov et le batteur Hristo Yotsov, il évoque, donc, la musique de Monk à travers le filtre des souvenirs. C’est « Trinkle Tinkle » qui ouvre l’album avec ce piano qui s’éparpille à la recherche de ses comparses ; la batterie puissante de Yotsov se présente en premier pour encadrer une mélodie qui s’échappe cependant, et passe la main à la contrebasse très musicale de Karamfilov… Une démarche que l’on retrouvera plus loin sur « Ugly Beauty », certainement l’une des plus belles évocations de Monk and More, tout en douceur et tendresse.

Stantchev fait de sa mémoire un magnifique matériau. C’est ainsi que « Left Hand » est un titre écrit par le pianiste dans une volonté d’hommage, mais aussi de recherche sur le style monkien : la main gauche file à toute allure, rebondit sur la contrebasse et fait du trio une véloce équipe de relais. De la même façon, dans « Friday The 12th », c’est une pure ballade pleine de spleen, dans le plus pur style du pianiste américain. Monk est ici un paysage à lui seul, et Stantchev s’en fait l’architecte principal, ses compagnons de la rythmique se chargeant de couleurs luxueuses.

À peine pourra-t-on reprocher au trio d’aborder la musique de Thelonious avec un peu trop de respect, sans vouloir la faire sienne, sauf dans ce court « Trinkle, Trinkle, Trinkle » où le son de l’orchestre semble passer dans une machine à étirer le temps. Mais on connaît le talent de Mario Stantchev pour fouiller l’œuvre d’un artiste à la manière d’un bibliothécaire, comme il nous l’avait proposé pour Louis Moreau Gottschalk. Ici, le répertoire évoqué est bien entendu plus connu, mais il y a toujours cette volonté d’aller au plus profond et d’y découvrir un vrai gisement d’intimité.