Chronique

Muvien Humair Céléa

Air Libre

Jean-Philippe Muvien (g), Jean-Paul Céléa (b), Daniel Humair (d) et Louis Sclavis (cl), Vincent Lê Quang (ss), Vincent Peirani (acc), Maja Pavloska (vcl).

Label / Distribution : Allgorythm

Il n’aura même pas fallu attendre un an pour que Jean-Philippe Muvien et Daniel Humair remettent le couvert. Après Flench Wok, sorti en 2005, ce duo explosif propose un nouvel opus : Air Libre.

Les deux musiciens ont fait appel à Jean-Paul Céléa pour tenir la basse et il est inutile de dire qu’avec Humair ils forment une paire rythmique de choc dont la connivence est évidente. Le trio rencontre les clarinettes de l’ami en sons, Louis Sclavis, mais aussi le soprano de Vincent Lê Quang, l’accordéon de Vincent Peirani et la voix de Maja Pavloska.

A part « From Time To Time Free » qu’Humair avait composé avec Joachim Kühn, tous les autres thèmes sont cosignés Humair - Muvien ou du guitariste seul. A l’instar de Flench Wok, les mélodies aux titres souvent bouffons sont des prétextes, les rythmes sont échevelés et les sonorités touffues.

Muvien joue de la guitare comme un guérillero : tantôt il mitraille, tantôt il fait exploser, ensuite il crépite avant de lancer quelques grenades d’accords pour conclure l’action ! Et tout cela n’a qu’un but : renverser l’ordre établi ! C’est ce qui fait sans doute dire à Humair : « Cette apparence brouillonne résiste aux effets d’esbroufe en ce qu’elle repose sur une technique phénoménale, une authentique précision du geste. Il y a là un équilibre entre discipline et ouverture […] » [1]

Humair, en grande verve, s’amuse avec ses tambours, multiplie les changements de tempos et « porte » ses compagnons qui n’ont d’autre choix que de suivre ce moteur gavé de tigre ! Mais le tigre n’est pas seul : Céléa est exactement sur la même longueur d’ondes (son jeu n’est pas sans rappeler celui de Jean-François Jenny-Clark). Souplesse, vitesse, précision, musicalité : une vraie devise ! Son agilité et sa sonorité, surtout dans les graves (« From Time To Time Free ») évoquent parfois une basse électrique qui aurait une caisse de résonance en bois.

Sclavis est lumineux : ses solos sont comme autant de rayons de soleil sur ces paysages sonores denses que peignent ses trois compagnons. Fait suffisamment rare pour qu’on le remarque : l’accordéon de Peirani a la légèreté et la vivacité d’un instrument à vent, et le musicien s’intègre parfaitement dans ce contexte - très - libre. Même s’il n’intervient pas beaucoup, le soprano de Lê Quang apporte douceur et subtilité (« Vlada »), un peu à la manière d’un Steve Lacy. Dans « Le chien sans nom » Pavloska passe de la scansion au chant en évoquant parfois Betty Carter. Sur « Drôle d’endroit », ses onomatopées suivent les instruments. La chanteuse est habile, mais peut-être aurait-il fallu intercaler les deux chansons au milieu du reste pour que la césure soit moins sensible.

Voilà donc un album peut-être déroutant au premier passage, mais qui mérite qu’on l’écoute attentivement car c’est une vraie bande dessinée : il se passe plein de choses au même moment, dans tous les coins… et on rigole bien !