Chronique

Olivier Calmel Double Celli

Immatériel

Olivier Calmel (p, comp), Johan Renard (vln), Frédéric Eymard (alto), Xavier Phillips (cello), Clément Petit (cello), Antoine Banville (dms, perc).

Label / Distribution : Klarthe Records

Les retrouvailles avec Olivier Calmel sont toujours l’occasion de moments de musique privilégiés. Du côté de chez Citizen Jazz, on le sait si bien que ses disques ont régulièrement été salués au fil des années. En 2005 par exemple avec la sortie de Mafate, puis deux ans plus tard à l’occasion de la publication d’Empreintes. Et même si le temps passe vite, il n’est jamais trop tard pour se reporter à l’entretien que le pianiste avait accordé à notre magazine en 2009, en accompagnement d’un album au titre malicieux, Electro Couac Sha-Docks. De quoi faire plus ample connaissance avec celui dont l’amour du septième art avait abouti à un disque cinématographique intitulé Les notes bleues en 2012. Cette cinéphilie avait d’ailleurs fait l’objet, l’année précédente, d’une compilation nommée Perspectives. Toutes ces références ne constituent que quelques jalons dans la carrière d’un musicien pour qui le grand-écart stylistique n’a jamais été un problème, bien au contraire, lui le fils de musicien [1] amoureux de musique classique comme du jazz et de toutes formes d’expressions – dont Caravane Gazelle, un conte musical pour enfants – lui permettant d’assouvir son appétit de compositeur. Et sa passion pour les brassages en général.

Avec Immatériel qui paraît sur le label Klarthe Records, Olivier Calmel élabore une formule sonore témoignant une fois de plus de son désir d’effacer les frontières au profit d’une musique transverse. Nommée Double Celli, la formation réunie autour du pianiste se compose d’un quatuor à cordes un peu particulier puisqu’on y trouve deux violoncelles aux côtés d’un violon et d’un alto (celui du fidèle Frédéric Eymard) [2], auxquels vient s’ajouter la batterie d’Antoine Banville, dont les qualités de coloriste sont connues de longue date. Soit six instruments dont l’association n’est pas si courante après tout. C’est une sorte de pas de côté malicieux effectué par Calmel qui trouve ici matière à élaborer ce qu’on qualifiera volontiers de jazz de chambre. Et pour tout dire, on oublie vite la question des apparentements à tel ou tel style pour se laisser griser par le plaisir manifeste pris par les protagonistes à l’interprétation des compositions subtiles signées pour la plupart par le pianiste. Tous ensemble, à deux, à quatre… les possibilités de variations de teintes et de combinaisons sont ici exploitées par des interprètes en pleine possession de leurs moyens et surtout en état de jubilation. Outre ceux déjà mentionnés, on n’oubliera pas de citer Johan Renard (violon), Xavier Phillips et Clément Petit (violoncelle).

On aurait envie de parler de légèreté, mais au sens le plus aérien du mot. Parce que cette musique, élaborée avec soin et gourmandise par celui chez qui les expériences passées sont le gage d’une réelle créativité, sait ne pas se prendre au sérieux. Elle est plaisir avant tout. Elle se présente en outre comme une porte ouverte aux inspirations des uns et des autres, dont la liberté de parole n’est jamais entravée.

Olivier Calmel, bien installé dans un double rôle de rythmicien et de mélodiste, est un passeur qui a décidé une fois pour toutes de ne pas choisir entre ses différentes amours musicales. Il les assume toutes, les fusionne et les compose à la façon d’un bouquet. Et vous pouvez nous croire, son parfum est des plus agréables !

par Denis Desassis // Publié le 4 février 2018
P.-S. :

[1Son père était le compositeur Roger Calmel.

[2Rappelons que la formule la plus couramment répandue du quatuor à cordes se compose de deux violons, d’un alto et d’un violoncelle.