Chronique

Renaud García-Fons

Cinematic Double Bass

Renaud García-Fons (b, perc, kb, voc), Stéphan Caracci (dms, vib), Soleá García-Fons (voc).

Le menu est copieux ! Avec ce double CD et ses 44 compositions réparties selon deux thèmes (In A Jazzy Mood et In A Spirit Of Travel), Renaud García-Fons ne fait pas les choses à moitié. On pourrait de surcroît noter que ce panoramique, typique de l’univers que le contrebassiste élabore depuis des années, se présente comme un grand jeu de pistes qui sont autant de… pistes de jeu ! Surtout quand on se souvient de ce qu’il nous disait lors d’un entretien au mois de novembre 2021 : « Il reste toujours à apprendre, il y a toujours un nouveau défi. Le chemin continue, il n’est pas du tout arrêté. Par exemple là, je dois enregistrer de nouveaux morceaux pour Cinematic Double Bass : comment les jouer correctement, comment trouver le phrasé, comment améliorer la technique de ceci ou de cela, l’expression ».

On ne reviendra pas sur la maîtrise technique de Renaud García-Fons et son exploration assez fascinante des possibilités d’un instrument qu’il met ici, une fois encore, « dans tous ses états ». Le musicien est à juste titre reconnu comme un virtuose, nourri d’influences intercontinentales dont le point d’ancrage est le bassin méditerranéen. Dont acte. C’est d’ailleurs en référence à un autre double album thématique, Méditerranées, que Frédéric Leibovitz, éditeur de Cézame Music Agency, lui a passé commande de ce projet. Il n’était pas question de disque à l’origine mais, comme le souligne Renaud García-Fons : « Je me suis pris au jeu et finalement, j’ai composé et enregistré plus de 40 morceaux ». L’album est là, gourmand et curieux de toutes les musiques.

Pour Cinematic Double Bass, Renaud García-Fons met donc les bouchées doubles : omniprésent, aux commandes d’une contrebasse protéiforme et multicolore, s’emparant des claviers ou des percussions, donnant au besoin de la voix. À ses côtés, Stéphan Caracci (batterie et vibraphone) et Soleá García-Fons sont présents sur quelques titres. La première partie du disque consiste en une série de musiques de films imaginaires (dans l’esprit des polars américains et français des années 50 et 60) qui nous rappellent s’il en était besoin l’appartenance de Renaud García-Fons au monde du jazz et du swing ; la seconde est quant à elle une invitation au voyage, dans ses aspects les plus dépaysants : une célébration perse ou une tarentelle juive, en passant par l’Inde, l’Afrique ou l’Espagne, jusqu’à notre monde contemporain devenu village global, définissant de fait une singulière world music. Tout cela se succède à grande vitesse (les compositions sont brèves), on ouvre les oreilles comme on écarquillerait les yeux, emporté par le chant qui habite le contrebassiste.

Le chant, oui, bien avant toute considération technique : c’est lui qui prédomine, selon des rythmes variables mais toujours porté par une pulsation essentielle. Nous l’avons déjà écrit ici à maintes reprises : Renaud García-Fons est un enchanteur. Il l’est aujourd’hui plus que jamais.