Scènes

Saint-Emilion Jazz Festival 2013

C’est au château de Pressac, haut lieu de la guerre de cent ans (c’est là que la paix fut signée après la bataille de Castillon), que s’est tenue le 11 mars dernier la conférence de presse annonçant la deuxième édition du « Saint-Emilion Jazz Festival ». Compte-rendu.


C’est en présence d’un très grand nombre de personnalités du jazz, du vin et des médias que s’est tenue la conférence de presse de présentation du deuxième « Saint-Emilion Jazz Festival », qui se tiendra du 18 au 21 juillet de cette année dans la cité capitale des vins, côté rive droite du Bordelais. Qu’on en juge : Michel Contat (Télérama), François Lacharme (Jazz Magazine/Jazzman), Jonathan Duclos-Arkilovitch (Victoires de la Musique), Julien Delli Fiori (France Inter), Sacha Reins (Le Point) avaient fait le déplacement à l’invitation du festival, et l’on notait aussi la présence de nombreux journalistes locaux, de photographes et de personnalités liées au vin. Lancé l’an dernier par Dominique Renard, jeune retraité du monde du vin qui souhaitait pour sa ville un événement « jazz » digne de ce nom et qui y avait mis de sa personne (et de ses économies), programmé par Christophe Deghelt à titre bénévole, le festival reconduit cette équipe sur des bases voisines, en attendant cependant, cette année, des partenaires locaux (et de la présence du public) les sources financières indispensables à sa pérennité.

Orchestrée par Christophe Deghelt en personne, la présentation de l’édition 2013 - un peu longuette - a sacrifié aux rites convenus (bilans et perspectives), mais a aussi donné lieu à un solo de toute beauté, d’autant plus apprécié qu’imprévisible pour les non-initiés, dû à la personne de Jean-Claude Berrouet. Cet œnologue discret et peu médiatisé a quand même présidé à la fabrique du célèbre « Petrus » (Pomerol) pendant 45 ans, sans oublier les autres vins de la maison Duclot dont il était l’œnologue pour toutes ses propriétés. Invité à parler des vins de St Emilion, il l’a fait à sa manière, avec talent, justesse, poésie, et une immense compétence qu’il sait mettre à la portée de tous. En quelques phrases, il a su nous rendre sensibles la diversité des sols de la région et les types de vins qu’ils engendrent (sols sableux, graveleux, calcaires, argileux), leur évolution dans l’histoire, et ce uniquement du point de vue de la vinification, sans le moindre appel à la question de la commercialisation (à l’exception d’une brève évocation des « classements »).

Je veux m’attarder un instant sur ce point, car la thématique « jazz et vins » peut en être éclairée. Jean-Claude Berrouet, que je connais un peu, ne s’est préoccupé dans sa vie que de faire au mieux son métier en conscience, en tâchant d’élaborer chaque année le meilleur vin possible, sans jamais tenir compte des évolutions du marché ni des avis des faiseurs d’opinion dans ce domaine. Appuyé en ce sens par la direction des Ets Duclot, il n’a jamais infléchi en quoi que ce soit sa façon de faire et de penser pour aller dans le sens du vent, ou suivre l’audimat des prescripteurs - dont le célèbre Robert Parker, par ailleurs parrain du festival en compagnie de Tommy LiPuma. Tout s’est donc passé pour lui en dehors de toute spéculation financière et de toute pression de ce genre. On peut même ajouter que le Parker du vin a parfois dégusté avec un brin de distance le fameux Petrus, avant de se rendre à Canossa et de noter 100/100 le millésime 2010. Chacun comprendra ici que la façon de faire de Jean-Claude Berrouet a tout mon respect : c’est comme si un directeur de festival (de jazz ou d’autre chose) ne concoctait son programme qu’en se basant sur des considérations artistiques et musicales, en négligeant les dimensions économique, politique, culturelle, médiatique. Je reconnais que ce n’est guère possible. Mais on m’accordera en retour que lorsque cela se produit, non seulement c’est respectable, mais cela tient du miracle…

Le cru 2013 se présente donc bien, avec quatre jours de festival au lieu de trois, une série de concerts gratuits en augmentation et une scène mieux adaptée, la série des solos de piano qui se poursuit, et les concerts du soir qui associent le jazz et les musiques qui s’en sont inspirées au cours du siècle. Parmi les noms qui ont retenu notre attention Minino Garay, à qui sera confié une carte blanche, Yaron Herman et ses compagnons d’« Alter Ego », Chick Corea avec une formation nommée « The Vigil », Monty Alexander, un nouveau venu appelé Joe Stilgoe (que nous avons eu le plaisir d’écouter le soir même au cours d’un repas offert au château Troplong-Mondot), Baptiste Trotignon, Fred Hersch et Edouard Ferlet. Dans les formations du « off » gratuit, relevons le groupe girondin « Post Image », et Thierry Valette, chanteur sensible et viticulteur en Côtes de Castillon. Pour en savoir plus, se rendre sur le site du festival !