Chronique

Steve Argüelles & Csaba Palotaï

Cabane perchée

Steve Argüelles (dms, perc), Csaba Palotaï (g)

Label / Distribution : BMC Records

Est-ce que la Cabane perchée de Steve Argüelles et Csaba Palotaï, le gang des trémas anglo-hongrois qui sévit depuis tant d’années en France, est la même que celle du petit baron cher à Italo Calvino ? Rien ne l’indique, mais c’est un endroit où l’on joue et où l’on s’entête : « la cabane » est un joyeux mouvement de percussion, comme une boucle que la guitare de Palotaï, mâtinée d’un folklore aussi solaire qu’imaginaire, se plaît à faire tourner comme une toupie. Même si le mouvement ne peut être perpétuel, il s’en approche et le recherche, à l’instar de « Phosphore » où les trouvailles sonores d’Argüelles et tout son matériel de percussions offrent à la guitare de se faire plus véloce. Une chose est sûre, comme ce cher Côme, on n’a guère envie de descendre.

Ça joue chez Argüelles et Palotaï, et avec une jubilation certaine. Les morceaux de cet album sont courts : une certaine idée de l’instantané, une volonté aussi d’aller à l’essentiel. C’était l’une des contraintes voulues par Bartók dans son célèbre Mikrokosmos. Ici, le duo en utilise bon nombre comme terrain d’expérimentation où l’on s’égaille gentiment. « A Melody Tonic » en est un bel exemple : un pas de deux sinueux entre une guitare incisive et une rythmique complexe et répétitive qui doit nous rappeler qu’Argüelles, bien que totalement en acoustique ici, est un féru de musiques électroniques. On pense aussi à Moondog naturellement, pour le dénuement alentour, comme sur « Mock Moon », court exposé rythmique en forme de virgule qui précède « Hommage » issu de Mikrokosmos, et pourtant circulaire et décharné comme la musique de la légende aveugle.

C’est un mariage auquel nous sommes conviés dans cette cabane perchée. Un mariage entre les musiques de Moondog et de Bartók qui jaillissent de partout (« Modality ») et se présentent comme un bel acte d’amour à destination de la musique et de son apprentissage (« Parallel Motion »). Une union entre deux musiciens qui ont déjà vécu ensemble de belles expériences, comme le récent Antiquity en trio, et souhaitaient se construire un petit eldorado propice aux discussions tranquilles et aux parenthèses enchantées. La maison de cocagne que leur a concoctée Budapest Music Center semble être le lieu idéal.