Chronique

Yom

Alone in the Light

Yom (cl), Léo Jassef (p).

Label / Distribution : Planètes Rouges

Il y a dix ans, le clarinettiste Yom, certainement l’un des plus remarquables clarinettistes klezmer de sa génération, proposait avec Le Silence de l’Exode de sortir quelque peu du cadre. De dépasser ses influences traditionnelles et leur grammaire pour partir dans des imaginaires et des espaces très oniriques où le silence avait toute sa place, en compagnie de Claude Tchamitchian ou Bijan Chemirani. Avec Alone in the Night, il revient avec une idée similaire, celle de transcender le timbre de sa clarinette, reconnaissable entre mille, pour l’emmener dans un ailleurs. La formule est néanmoins restreinte, réduite à sa plus simple expression, ascétique mais pas austère, à l’image de « The Secret » où la clarinette se frotte au piano très concertant de Léo Jassef ; il y a beaucoup d’espace ici, une large clairière de poésie. Et un nouvel épisode contemplatif en compagnie d’un pianiste longtemps proche du Tricollectif, qu’on avait notamment entendu dans le Trio à lunettes.
 
Jassef avait déjà travaillé avec Yom, sur l’album You Will Never Die en 2018, mais l’atmosphère y était plus tendue et pugnace. Ici, l’indolence du piano et la caresse de la clarinette nous entraînent dans d’autre atmosphères : dans « Nostalghia », il y a des réminiscences des maîtres russes et de lumières déclinantes, prélude à quelques nocturnes de Chopin imaginaires, dans des bois jamais hostiles. Plus loin, « The Other Side » livre des clés pour ce duo conçu comme une pièce unique, une narration complète ; dans un jeu plus resserré, plus insistant alors que le piano se retire, la main droite de Jassef semblant plus distante et cotonneuse, on perçoit comme un retour à la réalité plus sanguine et incarnée, s’éloignant d’une forme de langueur.
 
Indéniablement, il y a dans Alone in the Light une sorte de parallèle avec Le Silence de l’Exode. Au-delà d’une démarche chambriste prédominante, la rencontre en duo entre Yom et Léo Jassef laisse le rêve s’évader, sans l’enfermer dans une tradition, mais en les convoquant nombreuses, pour n’en garder que quelques bribes. Il y a quelque chose d’envoûtant dans les musiques de Yom, et dans le grand désert blanc et froid d’Alone in the Light, cela s’exprime avec tout l’espace nécessaire.