Scènes

Zicocratie : musique et démocratie dans le MegaOctet d’Andy Emler

Mardi 2 avril au cinéma Grand Action a été projeté pour la première fois le documentaire de Richard Bois sur les rapports entre musique et démocratie au sein du MegaOctet d’Andy Emler, Zicocratie.


Mardi 2 avril a été projeté pour la première fois le documentaire de Richard Bois sur les rapports entre musique et démocratie au sein du MegaOctet d’Andy Emler, Zicocratie.

C’est au cinéma Grand Action, dans le Ve arrondissement de Paris, tout près de l’Institut du Monde arabe, que le réalisateur Richard Bois présentait au public Zicocratie, un documentaire sur le MegaOctet d’Andy Emler qui a la particularité de filmer la musique non seulement sous un angle esthétique, mais encore d’en montrer le fonctionnement créateur. Au fil des répétitions du dernier répertoire, E total, on en apprend plus sur la manière dont marche le collectif. Le film interroge la place du « chef » dans le groupe et donne la parole à des observateurs invités, qui ont eux-même eu l’occasion d’exercer des fonctions de « chef » dans des domaines totalement étrangers à la musique. À travers leur regard sur le groupe et leur dialogue avec lui et avec la caméra, les notions d’autorité, de pouvoir ou encore d’économie d’ensemble sont interrogées. La musique est ainsi mise en valeur dans sa dimension sociale et politique.

Maryline Martin (directrice du chantier médiéval de Guédelon), Clémentine Autain (co-directrice de Regards et militante féministe), Jacques Lanxade (amiral à la retraite, ancien chef d’État-Major des armées françaises), Alain Felce (ingénieur et coordinateur de lancement de modèles Renault), Patrice Dominguez (tennisman, capitaine de l’équipe de France), Charles Claden (capitaine du remorqueur l’Abeille Bourbon) et Bruno Scaramuzzino (PDG de l’agence de communication Meanings) assistent tour à tour aux répétitions du MegaOctet, au Studio Sextan (Malakoff) et au Triton (Les Lilas), discutent avec les musiciens et font part à la caméra de leurs observations. Évidemment, certaines situations sont cocasses : « Mais je croyais que pendant les répétitions, vous jouiez de la musique… ! », hésite Bruno Scaramuzzino, après une heure d’ajustements de partitions et de déchiffrage laborieux. Où l’on apprend que, comme la partition du batteur n’est pas la même que celle du saxophoniste, il faut consacrer un temps fou à se mettre d’accord sur ce que l’on lit, bref, à communiquer.

La remarque de Jacques Lanxade prête également à sourire : le fonctionnement démocratique du groupe — chaque musicien est invité à donner son avis et à s’emparer de sa partie pour contribuer à créer un son collectif qui est, plus encore que celui d’Andy Emler, celui du MegaOctet — diffère absolument de celui de l’armée, où la hiérarchie domine sans compromis, sauf peut-être au sein des « forces spéciales ». Les spécificités du MegaOctet sont soulignées : la passion commune comme ciment nécessaire pour trouver la motivation — à défaut d’argent — de mener à bien le projet, et surtout le rôle d’Andy Emler, qui est à la fois chef d’orchestre et interprète. Cette position l’oblige à un va-et-vient difficile entre sa partition et le son d’ensemble, mais elle lui convient parfaitement, dans la mesure où il trouve précisément son plaisir à orchestrer la place des autres, sans se mettre en avant comme les solistes.

Ainsi, dans ce film qui a pour seul défaut d’être un peu trop long, Richard Bois donne à voir une aventure collective dont les rouages de fabrication se retrouvent dans tous les métiers et tous les milieux (à partir du moment où le travail se fait en groupe), et montre à quel point la création musicale collective est ancrée dans des positionnements politiques et des convictions personnelles, comme, par exemple, celle que l’imaginaire n’est pas accessoire mais fondamental si l’on veut être heureux dans la vie de tous les jours.