Scènes

Tribune Libre à Jazz à LUZ

Débat avec l’ARFI


Le 10 juillet dernier, le groupe 32 Janvier de l’ARFI a décidé d’annuler son concert et d’entamer la discussion avec les spectateurs présents. La veille, le contrebassiste Claude Tchamitchian avait expliqué la nécessité du régime d’indemnisation des intermittents en prenant un exemple très parlant : « Imaginez que vous êtes commercial dans une boîte, qu’on vous paie uniquement pour la signature d’un contrat et que tout le travail en aval soit à vos frais…C’est ce qui se passe quand on est musicien ; les répétitions, l’écriture, les démarches sont à nos frais ; et le régime de l’intermittence est là pour pallier ce manque. »

32 Janvier en grève (Hélène Collon)

Alfred Spirli : (…) Nous sommes vraiment désolés de vous annoncer qu’il n’y aura pas de musique ce soir sur ce plateau. Nous voulons engager la discussion avec vous pour qu’on puisse préciser les points qui resteraient obscurs. Pour nous, c’est très difficile, mais nous y tenons.

(Applaudissements)

Alfred Spirli : On va quand même utiliser le micro - bien que notre technicien soit aussi en grève, il peut toucher aux manettes ! Donc je vais passer la parole à Xavier qui va expliquer dans les grandes lignes le désastre actuel.

Xavier Garcia : D’abord, je voudrais vous remercier pour vos applaudissements, auxquels on ne s’attendait pas du tout. Qu’il soit bien clair que faire la grève, pour nous, ce n’est une victoire, mais une catastrophe. Vous voyez bien l’état dans lequel on est. C’est une décision extrêmement difficile à prendre.
On a bien conscience que vous priver d’un concert auquel vous nous faites le plaisir de venir, c’est encore plus une catastrophe. La catastrophe suivante, c’est d’impliquer un festival comme Luz que nous aimons énormément, avec des gens dont nous sommes très proches et qui nous ont fait un magnifique accueil en nous disant : « Quelle que soit votre décision, on sera avec vous ». Et on rend franchement hommage à la direction du festival.

(Applaudissements)

Lucia Recio et Xavier Garcia (Hélène Collon)

Xavier Garcia : Je vous garantis que c’est le seul festival, dans notre cas particulier, qui nous ait réservé un écho et un accueil pareils. Par rapport à ça, qu’est ce qu’on pouvait faire ? Est-ce qu’on va quand même jouer ? C’est une chose dont on a discuté il y a encore une heure, on a fait la balance, on tenait à venir. Parce que faire grève, ce n’est pas rester chez soi et dire « On ne vient pas », ça c’est du boycott.
On a pris notre décision en concertation et en tenant compte du fait que le festival et l’association qui le gère nous permettent de nous exprimer jusque-là, de faire grève. Et ce qui est intéressant, c’est que la direction du festival, vous, le public et nous, envoyons un message symbolique - il n’y a pas de chaînes de télévision, nous ne sommes pas devant dix mille personnes, mais peu importe, c’est une addition de petites choses qui ne sont pas si petites que ça, qui sont dramatiques.
Vous voyez bien que les festivals tombent, Avignon est tombé aujourd’hui encore. Il n’y a que comme ça qu’on peut affirmer au gouvernement qu’il y a une vraie urgence de ne pas signer cet accord parce qu’il n’est pas bon.

Un spectateur : Parmi vous il se trouve qu’il y a Paul Rogers, britannique installé en France depuis quelques années. Et je crois que de la même manière qu’on n’a pas idée de ce que c’est pour les musiciens de se priver de jouer lorsque les instruments et le public sont là, on n’a pas peut-être pas idée non plus, lorsque tout fonctionne, de ce que c’est quand ça ne fonctionne pas.
Peut-être qu’on peut lui demander comment ça ne fonctionne pas en Angleterre, où existe déjà ce qui nous attend si ces accords sont signés et si on glisse sur la pente qui est aujourd’hui indiquée.

Xavier Garcia : C’est une très bonne question. Tout à l’heure j’en parlais avec Paul et comme il ne s’exprime jamais sur scène, je vais essayer de ne pas déformer ses propos.
Paul est complètement solidaire de notre action, il a été aussi intermittent du spectacle. Il pense que l’exception culturelle française est entrain d’être cassée et que si ça continue comme ça, la France va ressembler à l’Angleterre, avec tout le mal que Thatcher a pu faire dans les années où elle régnait. Si on continue comme ça, on aura la même merde américaine pour toute la planète.

(Applaudissements)

Un écriteau dans Luz (Hélène Collon)

Lucia Recio : C’est important de dire que notre mouvement a commencé il y a des années. Cette année, notre lutte a pris une ampleur qui dépasse le cadre de nos professions, elle inclut également le combat des précaires - nous avons été à leur côté dans plusieurs villes de France. Nous étions là aussi pour soutenir ce qui se passait au niveau de l’éducation nationale, des retraites, des archéologues, de la santé, de la recherche, et on a vraiment compris qu’on était tous dans une galère incroyable.
Ce qui nous arrive aujourd’hui dépasse le cadre même de nos métiers. Nous ne défendons pas nos petits privilèges, c’est quelque chose de beaucoup plus grave qui ne peut aller qu’en s’accentuant, et c’est terrifiant. Quand on en arrive à cette extrémité - faire grève, ne pas exercer le métier qu’on aime dans un festival qu’on apprécie, où plein de bénévoles travaillent toute l’année - c’est que nous ne supportons plus de ne pas être entendus.
Tout est en train de voler en éclats, la santé, la recherche, il n’y a pas que nous. On fait tous partie de la même charrette.

(Applaudissements)

Un spectateur : Puisque Paul ne souhaite pas parler, je vais apporter un témoignage. Je suis allé au mois de mai à la troisième édition du Freedom Of The City Festival qui est organisé pour l’essentiel par des musiciens londoniens. Certains d’entre vous connaissent peut-être la scène de la musique improvisée Anglaise ; disons qu’elle est depuis quarante ans, l’une des sources de la musique improvisée européenne. Des gens de 70 ans y côtoient des gens qui en ont à peine dix-sept, tout le monde joue ensemble.
Il y avait dans ce festival cent vingt musiciens de premier plan pour vingt-sept concerts en trois jours. Ils ont extrêmement peu de moyens, le quart du festival de Luz et encore. Cette année, ils se sont vu retirer la maigrelette subvention qu’ils pouvaient avoir, et ils ont tous joué gratuitement. Ça vous donne un peu une idée de ce que ça peut-être.

(Paul Rogers demande le micro)

Paul Rogers (Hélène Collon)

Paul Rogers : What you’ve just said : fantastic ! But those guys, they got no money, they don’t have wives, they have no children, they have no fucking cars, they have nothing. What you don’t fucking understand is : this society pays to have a culture ; if you don’t give money, you don’t fucking have it. In England, in America, they don’t fucking pay, so they don’t fucking have it, you can only have Schwarzenegger and fucking McDonald shoved up your ass for the rest of your fucking life. That’s it. Forget it.

(Applaudissements)

Xavier Garcia : (rires) Voilà pourquoi Paul Rogers ne parle pas souvent ! Je crois que le message est clair.

Un spectateur : J’ai une question simple : j’aimerais comprendre quel est votre discours par rapport à certains représentants connus du monde du spectacle comme les Deschamps, d’autres metteurs en scène qui ont un discours beaucoup plus modéré par rapport aux accords : « C’était pas si mal, on aurait pu plus mal s’en sortir ? »

Xavier Garcia : Oui, Savary a même dit qu’il s’attendait à ce que le statut soit carrément supprimé, qu’il avait bien lu les accords et que ce n’était pas une catastrophe. Alors, pourquoi est ce une catastrophe ?
Pour moi, elle se situe dans la logique du « maillon faible ». Vous avez tous vu les jeux télévisés : on élimine celui qui est de trop, la moins séduisante, le moins rapide, le moins performant, le moins rentable. Il y a trop de gens à la retraite, trop d’intermittents du spectacle - bientôt il y aura trop de gens qui ont besoin de soins, il y a « trop », il faut enlever.
Le régime spécifique des intermittents du spectacle coûte de l’argent à l’UNEDIC, c’est évident. Il ne peut pas être rentable dans la mesure où il y a beaucoup plus d’intermittents que de permanents dans la culture. C’est assez normal, c’est lié au métier. Heureusement que les musiciens ne sont pas tous salariés à plein temps dans des orchestres, heureusement que nous pouvons faire un cachet quelque part, un autre à un autre endroit. Donc le régime d’indemnisation est spécifique à ces métiers parce qu’il en épouse le sens.
Après joue une solidarité interprofessionnelle, jusqu’à un certain degré. Ce degré est à estimer en fonction de ce qu’on veut faire pour que ces métiers vivent.

Xavier Garcia (Hélène Collon)

Les intermittents, les syndicats font depuis des années des propositions pour essayer de réduire le déficit, car il augmente. Par contre, les propositions du MEDEF sont une simple et bête réduction du droit d’entrée. Il faut un certain nombre d’heures travaillées pour accéder à ce statut, il n’est pas donné à celui qui ferait un cachet sur une scène de temps en temps.
En gros, cet accord prévoit que ce nombre d’heures devra se faire en moins de temps pour indemniser les gens moins longtemps. Ça veut dire que les jeunes (musiciens, techniciens…) vont avoir encore plus de mal à rentrer dans un système qui leur permet de ne faire que ça. Je rappelle que l’indemnisation chômage des intermittents du spectacle, que le monde entier nous envie, nous permet de ne faire que ça. Les gens que vous voyez sur le plateau sont de vrais professionnels, libres de faire la musique qu’ils veulent, et qui ne sont soumis à aucune contrainte commerciale. C’est une liberté fantastique qu’on peut se permettre en France.

Ce qu’on veut faire, c’est rendre l’accès au régime plus difficile. Ça va être encore plus dur pour ceux qui travaillent dans des disciplines artistiques pointues, plus difficiles à vendre. Ceux qui sont moins populaires : dehors !
Par contre, concernant les abus, là, aucun problème : les accord signés récemment ne prévoient aucune mesure ! Les « permittents », ceux qui n’ont en gros qu’un seul employeur, chez qui ils font des cachets, et qui, éventuellement les font en quatre ou cinq mois, eux, n’auront aucun problème. Et d’après les calculs qui ont été faits, ceux qui touchent de gros cachets dans ces boîtes-là et qui sont totalement à l’abri , vont gagner plus.
Parce que les estimations qui ont été faites par un contrebassiste également chercheur en mathématiques (Olivier Sens) donnent des courbes complètement aberrantes. Ce qui a été pensé, signé par le MEDEF, c’est : « Les plus fragiles, les jeunes, dehors ! et ceux qui abusent du système, vous restez dedans, tout va bien. » C’est pour ça qu’on lutte contre cet accord, qui est mauvais.

(Applaudissements)

Alfred Spirli et Paul Rogers (Hélène Collon)

Alfred Spirli : Pour répondre à la question, la Compagnie Jérôme Deschamps, qui salarie peut-être ses comédiens et ses techniciens, a suffisamment de relations directes avec toutes sortes de gens, les productions de cinéma - ils sont eux-mêmes détenteurs de droits (de Jacques Tati par exemple) ; ils sont mal placés pour parler, ils sont dans ces système-là, installés.

Un spectateur : On entend effectivement des propos modérateurs de la part de ceux qui sont bien installés dans le système, ceux qui touchent des subventions des entreprises, notamment. C’est ça qui est un peu inquiétant justement - il y a dans le milieu du spectacle en général ceux qui sont déjà nantis, subventionnés par les entreprises, et ceux qui en chient…

Alfred Spirli : Il ne faut pas non plus faire de généralités, puisque des gens comme Stanislas Nordey ont pris la parole et vraiment défendu les artistes du off. J’étais hier à Avignon, j’ai assisté au débat entre le off et le in, la décision d’annulation a été prise par le directeur puisque des gens comme Stanislas Nordey voulaient occuper les lieux, s’installer dans la cour du Palais des Papes pour organiser des débats et lancer une grande assemblée sur la culture.
Sur les 594 compagnies du off qui sont en ce moment sur place, il y en a 150 qui ont voté la grève, qui occupent les lieux, les salles qu’ils eux même payées, et qui vont passer trois semaines à discuter avec le public.
Il y a quand même d’autres compagnies qui vont jouer, qui sont déjà au bord du gouffre. Les gens du off ne sont généralement pas déclarés, ils jouent gratuitement. 90% des compagnies payent leurs locaux, leur hébergement, la publicité…

Un spectateur : Je connais très bien une compagnie d’Argelès qui a joué au off, ils ont mis trois ans à payer ce que leur a coûté Avignon…

(…)

Xavier Garcia (Hélène Collon)

Xavier Garcia : Donc la CFDT a signé cet accord, je le confirme. Cet accord a été signé à l’UNEDIC par trois syndicats patronaux : le MEDEF, les Petites et Moyennes Entreprises, les Artisans. Chez les syndicats de salariés, ont signé cet accord des syndicats minoritaires qui ne représentent que très peu les métiers artistiques : la CFDT, la CGC, la CFTC. N’ont pas signé : la CGT et FO.
Aillagon a reculé et a proposé des correctifs. Comme par hasard, il a sorti de sa botte : « Nous allons lutter contre les abus ». C’est quand même assez extraordinaire, ce sont des choses que l’on demande depuis dix ans ! Alors qu’il attende le dernier moment, que les festivals soient menacés…C’est une mascarade. Il a aussi prévu de délayer l’accord dans le temps, de 2004 à 2005.

Dans le régime actuel, il faut prouver qu’on a fait 507 heures, soit 43 cachets par an. Vous imaginez bien que 43 dates de concert, ce n’est pas 43 jours travaillés dans l’année. Un groupe de musique , ça répète, ça compose, ça démarche, ça travaille etc. On n’arrête pas de bosser toute l’année, pour être parfaitement honnêtes. On n’a pas à être payés quand on répète ensemble, personne n’est là pour le savoir, c’est notre bonne volonté qui est là. C’est tout à fait normal. Cette bonne volonté est reconnue par des gens qui nous programment.

Culture en danger (Hélène Collon)

Ça ouvre droit à 12 mois d’indemnisation-chômage. Au bout de 12 nouveaux mois sont réexaminés les 43 cachets, ce qui fait que chaque année, ça n’est pas gagné. Certains avaient compris que quand on rentrait dans le système d’intermittents, c’était à vie. Chaque année, on retourne déposer un dossier, et si on n’a pas fait ses 507 heures, on est viré. On a droit aux allocations de fin de droits pendant un an, et après le RMI. On est donc déjà dans un système super libéral. Si on ne se bouge pas les fesses artistiquement, on n’existe pas longtemps dans ce système-là, ce qui n’est pas plus mal.

Ce qui est proposé actuellement, c’est que la période d’indemnisation soit de dix mois et demi pour les techniciens et dix mois pour les artistes - notez au passage la séparation entre techniciens et artistes, qui est nouvelle dans cet accord -, et que l’indemnisation n’ait lieu que pour huit mois. Mais ce sont 8 mois glissants. C’est à dire qu’à chaque fois qu’il y aura un cachet, ça repousse. Il n’y aura plus de date anniversaire tous les 12 mois où l’on regarde s’il y a 507 heures dans les 12 derniers mois quelle que soit leur répartition dans ces 12 mois ; il faudra avoir « en permanence » 507 heures sur dix mois ou dix mois et demi, ce qui est plus difficile.
Quelqu’un qui va bosser dans une compagnie de théâtre pendant un mois et demi comme un fou aura un certain nombre de cachets qui seront groupés sur une période. Si il ne retravaille que beaucoup plus tard pour arriver à 507 heures, il se peut que le calcul sur dix mois n’inclue pas cette première période travaillée ; résultat : il sort de l’intermittence. D’après les calculs scientifiques qu’Olivier Sens a faits, il se peut très bien que quelqu’un qui fait 70 cachets (ce qui est énorme) de façon groupée, ait 50% de chance de sortir du système. Ce sont non seulement les précaires et les fragiles qui risquent d’être expulsés, mais aussi les gens confirmés .

Et rien n’est vraiment fait pour lutter contre les abus ; Aillagon a simplement demandé une charte de déontologie… facile ! La CGT avait proposé, entre autres, « cachet + Assedic = plafond », ce qui nous paraissait évident. C’est-à-dire qu’au bout d’un moment, un artiste ou un technicien qui gagne bien sa vie n’a plus de raison de percevoir l’Assedic.
Dans notre système, plus on fait de gros cachets, plus on touche d’Assedic, c’est quand même un système pervers. Il y a aussi eu la proposition d’un revenu minimum, ça n’est jamais passé. Tout ce qui pouvait faire des économies n’a jamais été examiné une seule fois par le MEDEF. Rappelons que la première proposition du MEDEF, c’était 507 heures en 6 mois.

Un technicien engagé ! (Hélène Collon)

Une spectatrice : Que peut-on faire pour vous aider ?

Xavier Garcia : J’étais à Vienne hier soir, et une personne a posé la même question. Et quelqu’un lui a répondu : « Première chose, tu n’assistes pas à un festival sous surveillance policière ». C’est ce qui se passe à Vienne, c’est bardé de flics, de CRS qui cognent dur.
La chose que je vous incite à faire en tant qu’amatrice citoyenne de culture, c’est d’écrire à votre maire, à votre député, aux élus, pour leur dire : « Qu’est-ce que c’est que cette situation, en France ? Je vais à des festivals que j’aime et on voit des gens en grève, qui ne jouent plus ». Le lien avec les élus est la meilleure solution. Il y a peut-être d’autres choses à faire…

Un spectateur : Je voudrais simplement dire que cette question des 43 cachets en cache une autre, c’est celle de la diffusion du spectacle en France. Après tout s’il y avait assez de diffuseurs, il y aurait probablement assez de cachets pour tout le monde.
J’entends dire dans les milieux du jazz : « Où sont les nouveaux génies ? » De toute ma vie d’auditeur, j’ai rarement connu période aussi féconde qu’aujourd’hui. Des artistes de très haut niveau, il y en a. Simplement, les 600 festivals d’été déclarés masquent la crise de la diffusion. On ne peut pas se contenter d’être simple consommateur, il faut être conscient de ce qu’est la culture aujourd’hui, il faut y prendre une part active. Si quelque chose est possible à Luz, Oloron etc., c’est que ça l’est partout ailleurs.

Jazz à Luz solidaire (Hélène Collon)

Xavier Garcia : Je traduis ce que Paul vient de me dire à l’oreille : Des festivals comme ici, il y en a deux en Angleterre…
Est à l’étude en ce moment une réduction du budget du ministère de la Culture ; ça a déjà commencé. Il est prévu un audit des festivals en France, parce qu’il y en aurait trop. Donc, l’année prochaine, il y aura des coupes sombres dans les festivals. La lutte des intermittents en ce moment, c’est la face cachée de la réduction des festivals et du budget de la culture en général.

Lucia Recio : Les chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut ; les cotisations de permanents qui ne couvrent pas complètement notre déficit, c’est limite : les chiffres on n’arrive pas à les avoir vraiment.
Ce que peut engendrer le milieu de la culture comme secteurs d’activité, on le voit à l’heure actuelle. Les retombées économiques dans une ville, une région, sont des chiffres souvent multipliés par 2, 3, 10 en fonction des festivals. En fait, la culture est le moteur de plein de choses. Pour moi, le gouvernement emploie un canevas similaire pour justifier les réformes qu’il désire mener en ce moment : on parle d’abus, de trous, on désigne des coupables. C’est tout une vision de la société qui est en train de disparaître : l’école publique, la recherche, une façon de faire de la musique, d’exister… Et on le subit de plus en plus.
C’est très difficile d’avoir des informations, ça devient insupportable. Le gouvernement trouvera toujours des excuses, et fera dire aux chiffres ce qu’il a envie de leur faire dire. Les médias continueront à relayer et à orienter « l’information » dans ce sens.

Un spectateur : Ça me semble quand même aberrant que même à droite, personne ne se rende compte du devenir de la richesse culturelle ?

Lucia Recio (Hélène Collon)

Xavier Garcia : Je crois tout simplement que nous n’avons pas la même définition de la culture que ces gens-là. Si on organise un débat avec les représentants du MEDEF sur ce qu’est la culture, ce qui représente la culture, quel type de spectacles, de musiques, ça va être très vite vu ! On n’a pas les mêmes valeurs !

Lucia Recio : Un fait objectif qui va faire sourire. Quand on a eu des problèmes, il y a quelques années, c’est la gauche et l’UDF qui ont défendu le petit bout qui nous restait. A l’heure actuelle, il y a une prise de position, une lettre commune de Lang et Bayrou. Ce qui est incroyable, c’est qu’ils aient attendu aujourd’hui pour bouger. C’est facile d’écrire des lettres ! Et ça n’engage à rien, puisqu’ils ne sont plus au pouvoir.