Chronique

Cyrus Chestnut

Soul Food

Cyrus Chestnut (p), Christian McBride (b), Lewis Nash (d ), Stefon Harris (vib), Marcus Printup (tp), Wycliffe Gordon (tb), Gary Bartz (as) James Carter (ts).

Label / Distribution : Atlantic

Toutes les compositions de Cyrus Chestnut, pianiste formé à l’école du hard bop, mais swinguant aussi comme un beau (et bon) diable, montrent l’étendue de son jeune talent : comme l’annoncent le titre de l’album ainsi que le premier morceau, Soul food nous invite à une petite fête entre amis, pour déguster quelques mets choisis, concoctés avec une certaine jubilation par le maître de maison.
Mise en jeu du corps autant que de l’esprit puisque Cyrus Chestnut visiblement à l’aise en sextette, avec les jeunes lions de la section des cuivres et des anches Marcus Printup à la trompette, Wycliffe Gordon au trombone, et James Carter au ténor, réussit une belle performance en quartette dans Brother with the mint green wine , accompagné de Stefon Harris au vibraphone. Mais dans la formule plus classique du trio, sur un Minor funk au tempo rapide, le pianiste se déchaîne littéralement, avec un Chris Mc Bride que l’on retrouve très inspiré sur Fantasia. De l’humour revigorant d’un Brother Hawky Hawk assaisonné New Orleans, par le trombone solaire de Wycliffe Gordon relayé bientôt par un James Carter toujours très épicé, à l’éclatant « Minor funk », il passe sans la moindre transition au traditionnel « Coming through the rye », nettement plus mélancolique. Et sait aussi bien nous servir en solo un « Swing low sweet chariot » délicieusement ciselé, élégant et réfléchi. Cyrus Chestnut aime mêler les genres, exposant ainsi la palette variée de son jeu et inscrit son actualité du jazz dans la reprise enjouée de la tradition. Il travaille dans toutes ces configurations à dresser, selon ses goûts, un panorama de la musique noire américaine, l’authentique source de sa culture et de son inspiration. La seule forme qu’il laisse volontiers de côté est celle du free, aux emportements libertaires. Toutes les combinaisons de l’album révèlent un musicien protéiforme qui n’hésite pas à proposer trois disques en un seul . Cyrus Chestnut, avec sa généreuse ardeur, nous régale ainsi d’un véritable festin . Le toucher du pianiste peut être rond et doux, mais après un début discret, tout en finesse rythmique, l’énergie se déploie au fil des morceaux, le jazz servant alors moins de prétexte à des variations formelles que de matière première à la composition.

Ne boudons pas notre plaisir et laissons nous tenter par ce répertoire réjouissant, inépuisable semble-t-il, en savourant comme il se doit ces nourritures de l’esprit, ou mieux, de l’âme .