Chronique

USINE

How It Will Be After

Cansu Tanrıkulu (voc, elec), Declan Forde (p), James Banner (b, elec), Max Andrzejewski (dms, perc).

Label / Distribution : Klaeng Records

Le contrebassiste britannique James Banner vit et travaille à Berlin et, de ce fait, est entouré d’un grand nombre d’artistes internationaux de grand talent. Il fait surtout partie de cette petite galaxie d’improvisateur·trice·s qui se mélangent et usinent leurs idées qui forment les contours de cette scène berlinoise si spécifique.
USINE est composé du pianiste écossais Declan Forde qui y fait un travail remarquable, avec un mixage du disque qui le place très en avant. Son approche pianistique évoque autant Chopin que Cecil Taylor et s’appuie sur une basse solide pour dérouler ses idées.
La vocaliste turque Cansu Tanrıkulu est à son aise dans ces ambiances étirées et tressautantes sur lesquelles elle place ses textes étranges, tantôt en les tordant par des effets électroniques, tantôt en les déclamant avec une voix grave, blanche et inquiétante. Sa présence dans ce quartet lui donne une couleur futuriste et industrielle qui n’est pas sans rappeler le nom du groupe.
La batterie et les percussions de Max Andrzejewski font corps avec la contrebasse du leader notamment, mais ne cessent de s’échapper du flot, de provoquer des collisions et des ruptures de rythmique. Dans « He Has a Hatchet » notamment, on assiste à un magnifique échange en duo avec le piano et le drumming est toute en finesse virevoltante, avec une science de l’anticipation qui rend l’échange presque à l’unisson alors qu’il s’agit d’une improvisation. C’est remarquable.
Enfin, le discret leader, à la contrebasse, assure la bonne marche du projet. Compositeur et producteur, il est en retrait de ses musicien·ne·s. Discret mais très énergique, James Banner est aussi, avec le pianiste, à l’origine d’une programmation au club Donau115, l’un des lieux de diffusion les plus vibrants de la capitale. On le retrouve aussi avec Tilo Weber et son projet Faune, une autre facette de ce jazz berlinois, qui puise sans vergogne dans les habitus et cultures de ses acteur·trice·s. Avec Andrzejewski, il forme aussi un trio en compagnie de la saxophoniste Camila Nebbia. Enfin, James Banner a aussi une forte connexion avec le Portugal et le collectif lisboète Robalo et notamment le batteur João Lopes Pereira.
Tous ces échanges internationaux et ces différents projets conduisent le contrebassiste à la maîtrise de ce type de projet musical (de la composition à la production) et il participe à la diffusion de la scène berlinoise dont on parle régulièrement dans ces colonnes.
Avec How It Will Be After, ce n’est pas une question qui est posée mais bien un constat, celui d’un futur proche dans lequel les musiques fusionneront toutes pour un meta-magma sonore mondial.

par Matthieu Jouan // Publié le 17 mars 2024
P.-S. :