Scènes

Et l’image créa le son


Sachez-le, ce n’est pas parce que l’on peut lire le nom d’un instrument dans le titre d’un film que ce dernier est musical. Exemple : J’entends plus la guitare. Ce dimanche matin, au cinéma MK2 Quai de Loire, je n’entendais pas la guitare non plus. Ce qui pourrait être musical, éventuellement, ce sont les silences. Nombreux. Très nombreux. Vraiment nombreux. Mais dans la mesure où ce film de Philippe Garrel, sûrement gentil par ailleurs, ne devrait pas avoir sa place dans un cycle intitulé « Filmer Jazz », je me contenterai d’écrire que, drogue pour drogue - puisque tel est le thème - ceux qui, dans la salle voisine, ont privilégié le Bird d’Eastwood n’ont pas à le regretter et, évidemment, de penser que les personnages de mon film à moi auraient mieux fait d’écouter du jazz.

Plus intéressant, et même particulièrement enthousiasmant, le Surnatural Orchestra dans l’amphithéâtre de la Cité de la Musique. Que vous aimiez les scénarios du réalisateur « expert en meurtre » Dario Argento ou que vous ayez quelques difficultés à les digérer, à la première occasion je vous invite vivement à découvrir ce que ce big band a créé autour de Profondo Rosso (Les frissons de l’angoisse, 1977), l’histoire d’une enquête sur le décès très peu accidentel d’une conférencière. Un excellent film de suspense sonore, servi presque muet par le Surnatural, au bénéfice de dialogues instrumentaux originaux qui ne manquent pas de relief (voire d’humour noir), et de quelques textes de Pasolini qui collent parfaitement aux images et à la tension de ce genre cinématographique. Beau travail.

Merci aussi au photographe Guy Le Querrec et aux musiciens qui escortent son éléphantesque sélection de photos : Michel Portal, Louis Sclavis, Henri Texier et Jean-Pierre Drouet. Ensemble, ils ont nous offert ce soir, sur écran géant, un magnifique diaporama de bisous, d’illusions d’optiques, de mains, de pieds, d’images du monde… Nous étions nombreux à ne pas connaître ces archives. Espérons que d’autres dates et un DVD suivront, et qu’on pourra apprécier encore longtemps ces images déjà fantômes, ce voyage en musique d’un « funambule sur le fil du hasard. »

Ce qui est fascinant c’est la composition de l’image qui marque les esprits - l’idée, la vision concrète qu’un photographe pourtant forcé de se limiter à un instant fixe, bref et unique, puisse saisir autant de choses avec son appareil qu’un réalisateur avec sa caméra : mouvement, sens, intensité, sentiment…

Ce que l’on retiendra aussi, c’est la relation de l’image au son, à la musique, au jazz, qui sont là pour installer ou souligner le climat. Que ce soit avec le Surnatural ou le quartet qui accompagne « L’oeil de l’éléphant », la vraie curiosité venait de là. Car pour une fois, le son était présenté séparément, voire en léger décalage avec l’image. Mais à aucun moment on n’a écouté l’orchestre. On a seulement écouté l’image.