Chronique

Franck Avitabile

Short Stories

Franck Avitabile (p)

Label / Distribution : Dreyfus Jazz

Franck Avitabile tourne beaucoup avec son trio et avec Tendances, le groupe de Manu Katché. Ce qui ne l’a pas empêché de se livrer à un exercice qu’il semble apprécier particulièrement : le solo. Après Just Play, sorti l’année dernière, le pianiste lyonnais est de retour sur disque, toujours en solo, pour quelques Short Stories et plus.

Fidèle à son éthique, le musicien a réalisé Short Stories en direct, sans montage après les prises. À part « Twisted Nerve », « There Is No Greater Love » et « Over The Rainbow », Avitabile joue quinze compositions personnelles, toutes baptisées dans la langue de Louis Armstrong : « Childhood Memory », « The Third Eye », « On Walking », « Little Monkey »… Est-ce un clin d’œil à Michel Petrucciani, qui avait également pour habitude d’utiliser l’anglais comme « langue discographique » ?

Avitabile et son Steinway se connaissent bien, et cela s’entend. Leur jeu ne se cantonne pas à un seul registre du piano, ni à la formule stricte « main droite mélodique, main gauche harmonique » ; les mains courent sur toute l’étendue du clavier, et au gré de leurs ébats, se croisent, dialoguent et « contre-chantent » avec une indépendance parfaite. Un toucher plus ferme que puissant, allié à une grande maîtrise de la pression des doigts, permettent à Avitabile d’utiliser efficacement toute la palette des effets sonores, un peu à la manière d’un pianiste « classique ». Grâce à quoi il possède une belle sonorité franche et lumineuse, et illustre ce qu’il déclarait il y a quelques années : « Le son du piano ça sort pas tout seul, il faut vraiment aller le chercher au fond des doigts » [1].

Dans l’ensemble, les pièces de Short Stories sont plutôt de facture classique et leur construction évoque parfois le Nocturne. On perçoit l’influence du XIXè siècle (lyrisme et mélodies, comme sur « Arabesque », par exemple), du XXè (humour dans « Twisted Nerve » et « Rolling », sans parler des dissonances à la Debussy qui transparaissent çà et là), Bach (pour les jeux sur les voix, à l’instar de « Rhapsody ») et… le jazz (rythmes, ostinatos, passages syncopés).

En fin de compte, ces histoires courtes sont le reflet d’une synthèse habile et discrète d’influences éparses. Le pianiste remporte son pari : créer un langage original et captivant - Avitabile æternus…

par Bob Hatteau // Publié le 11 décembre 2006

[1Entretien sur le site JazzBreak - 1999.