Chronique

François Thuillier Solo

Solo

François Thuillier (tuba, saxhorn)

Label / Distribution : Autoproduction

Le tubiste François Thuillier n’est bien évidemment pas inconnu sur la scène française du jazz et des musiques improvisées. On a pu l’apprécier en improvisateur audacieux dans le cadre de formations restreintes, tels son Brass Trio, son trio avec Emler et Guignon ou ses différents duos (avec, là encore, Pierre « Tiboum » Guignon). Il ne lui manquait plus que l’expérience du solo pour combler son vœu de porter le tuba sur le devant de la scène, exercice dans lequel il a d’ailleurs toujours excellé [1].

Ce disque autoproduit est un recueil de micro-pièces allant de trente secondes à trois minutes, manière sans doute d’aller à l’essentiel et de présenter dans tous ses états un instrument dont peu s’aventurent à jouer en solo. Ces « exercices de style » ne sont jamais redondants, et chaque séquence est l’occasion de démontrer tous les possibles du tuba (pour preuve, l’immensité de la palette sonore explorée). Nous savions déjà que Thuillier n’en ignorait rien [2], mais il démontre sur ce disque extraverti que son instrument est loin d’être condamné au seul rôle d’accompagnateur. On ne s’étonnera donc pas de découvrir un hommage à Albert Mangelsdorff (« Le roi Albert »), l’un de ses principaux inspirateurs pour les doubles et triples sons. Les possibilités offertes par le studio sont l’occasion d’incorporer à quelques morceaux des bruitages obtenus à partir de l’instrument, de la voix déformée ou non par l’embouchure, et d’autres effets électroniques en tous genres [3].

Thuillier remet donc en question le tuba (et, sur quelques pistes, le saxhorn) en tirant du plus profond de ses tuyaux un univers imaginaire insoupçonné, mais sans que l’aspect mélodique ne soit en reste (« Saxhorn Toi ! », « Gisèle » ou « Impromptu »). Il aime faire alterner, sans trucages et avec peu de superpositions, différentes voix rappelant l’étendue des tessitures harmoniques à sa disposition (« Solo pour Doudou », « D-funk », « Oreilles sans préjugé »). Il ne dédaigne pas pour autant les acrobaties rythmiques couplées aux effets de re-recording (« Escroc ! », « Escroc toi-même ! », « Super Té », « Chemin buissonnier » et les diverses versions de « Someca »). Mention spéciale à « Promis c’est la dernière !? » pour la volonté de décomposer, déstructurer les sons afin de les multiplier et d’en inventer d’autres auxquels nous n’aurions pas pensé…

Une volonté renouvelée, donc, de présenter le tuba comme un instrument toujours plus libre et aventureux : ce disque est à tous les niveaux une performance, qui en dit long sur la maîtrise technique de François Thuillier et sur son parcours musical. Une façon de réinventer ce que n’a jamais été le tuba.

par Armel Bloch // Publié le 13 septembre 2008

[1Par exemple au sein du MegaOctet d’Andy Emler.

[2Ses nombreuses collaborations au sein de prestigieux orchestres le prouvent amplement.

[3« Fraise sur 20 » et « Urban Tuba », sorte de groove mêlant une basse très dansante à des scats délirants.