Chronique

Charlie Mariano + Trio Cholet - Känzig - Papaux

Silver Blue

Charlie Mariano (as), Jean-Christophe Cholet (p), Heiri Känzig (b), Marcel Papaux (d)

Label / Distribution : Enja Records

Depuis bien longtemps, les hommages sont monnaie courante en jazz mais ceux consacrés aux personnalités encore en activité sont rares, surtout lorsque l’occasion est donnée de jouer avec le musicien en question. A vrai dire, on aurait tort de nous priver de cette chance quand on voit que bon nombre de célébrités dont s’inspirent certains musiciens sont aujourd’hui disparues.

Silver Blue est un hommage commun à Charlie Mariano, « déjoué » avec le trio franco-suisse de Jean-Christophe Cholet, Heiri Känzig et Marcel Papaux. Créée en 2003, la rencontre entre le célèbre saxophoniste alto et ce trio se devait d’enregistrer tant la musique est riche d’émotion et circule avec fluidité sans que l’un ou l’autre ne prenne une place trop importante. En cela, le quartet s’affaire avec aisance et modestie, et un plaisir de jeu sensible et raffiné. Ajoutons une grande qualité de prise de son qui réussit à valoriser les intentions de chacun. Les compositions parlent d’une voix douce et nous promènent dans des lieux où les choses deviennent simples.

Mariano garde dans son jeu une fraîcheur incomparable au lyrisme généreux. C’est avant tout son style très classique et spontané qui marque l’ensemble de l’album — un style sans doute enrichi par ses multiples collaborations (Charles Mingus, Elvin Jones, Bud Powell) mais aussi les rencontres européennes (Daniel Humair, Aldo Romano, Philip Catherine…). Il révèle ici un talent d’écriture mélodique échappant aux étiquettes formelles. Les harmonies sont un clin d’œil au lyrisme et aux timbres enchanteurs, très nuancés, apportés par le trio - déjà expérimenté dans ce domaine : voir les deux magnifiques albums Autum Circle et Under The Wales parus chez Altri Suoni. On est comblé par des reprises à tempo lent, dont « Prelude To A Kiss » (Duke Ellington), « My Funny Valentine » (Rodgers-Hart) et « My Foolish Heart » (Victor Young). Notons aussi celle, magistrale et swinguante, de « Black Orpheus », thème de Luiz Bonfà.

Cholet demeure ici un compositeur talentueux (« Half Moon in A Blue Sky », une perle rare). Mariano s’était fait assez discret ces dernières années (le colosse a tout de même plus de 80 ans), et c’est avec bonheur qu’on retrouve l’expertise de son phrasé fluide et sensuel. Ses quatre compositions sont un terrain de jeu où les timbres et nuances sont profondément étudiés (« Cheers My Lady », « Ages Ago », « He’s Gone » et « Dorothée », et résument à merveille l’inspiration du trio. Une occasion d’autant plus intéressante que le saxophoniste a peu enregistré ses propres compositions ces dix dernières années.

La formule inépuisable piano-contrebasse-batterie est avant tout ici le moyen de tisser des harmonies de fond en respectant l’intégralité des propos du saxophoniste, en visant une musique toujours plus raffinée.