Scènes

Le jazz fait son cirque… et vice versa

Quand les clowns deviennent jazzmen et les jazzmen un peu clowns…


Parmi les multiples exemples de rencontres possibles entre jazz et autres disciplines artistiques (cinéma, danse, théâtre, littérature, peinture, sculpture…), les arts du cirque ne sont pas en reste. Depuis plusieurs années, la scène française offre quelques exemples significatifs.

L’ARFI (Association pour la Recherche d’un Folklore Imaginaire) fut à l’origine du projet « Tragédie au cirque », qui trouvait sa principale source d’inspiration dans les musiques écrites pour le cirque. Le trio du vibraphoniste Franck Tortiller a présenté en 1996 le spectacle « Fausses pistes… des musiques de cirque », autre occasion de découvrir sur scène l’inspiration des arts du cirque pour des musiciens de jazz.
Le festival « L’Atelier du Plateau fait son cirque » créé il y a sept ans et dont la dernière édition en date s’est déroulée en octobre 2008, a permis de découvrir sur une même piste des acrobates, jongleurs, cordistes, trapézistes, musiciens improvisateurs, chanteuses, chef d’orchestre et plasticien pour partager des rêves uniques de sensations inédites - du moins dans un tel esprit de liberté, en ce lieu original.
La liste serait incomplète sans Le jazz fait son cirque, donné récemment au Théâtre de l’Européen (jusqu’au 4 janvier 2009) par la compagnie Les Nouveaux nez (avec les clowns et brillants poly-instrumentistes Alain Reynaud et Nicolas Bernard) et un trio de jazzmen improvisateurs mené par le violoncelliste Eric Longsworth, le batteur Pierre Tiboum Guignon et le contrebassiste Philippe Euvrard.

Les musiciens mêlent aux airs dansants des improvisations toujours riches et contrastées, entre humour (très présent dans le thème « 1947 » de Marc Steckar ou sur « Des Athégiens au Sénégal », morceau fétiche de Tiboum) et mélancolie (« Home is Africa », « Barolo » ou « Ballade ») frôlant la tristesse ironique. Le clown, lui, trouve toujours un prétexte scénique pour rendre la musique toujours plus nouvelle et drôle. Ainsi les premiers deviennent les seconds en même temps que la musique se déroule sur un long tapis rouge parsemé de bonnes surprises inattendues, le regard de chacun d’eux restant perçant, expressif.

Nicolas Bernard/Pierre Tiboom Guignon/Alain Reynaud/Philippe Euvrard/Eric Longsworth © Patrick Audoux/Vues sur Scènes

La richesse de ce spectacle tient aussi au travail exceptionnel sur les gestes, les postures, les situations mimées décrivant des scènes de cirque, et sur les comportements comiques adoptés aussi bien par les musiciens que par les acteurs, le tout sans parole. L’expression des visages au teint blanc (avec touche de rouge sur le nez - retient l’attention du spectateur. Les costumes de clowns - en noir et blanc et répartis harmonieusement - sont inhabituels, ce qui réduit encore la distance entre les deux univers. Difficile de trouver clowns aussi polyvalents : tous maîtrisent les instruments, Nicolas Bernard allant même jusqu’à en enchaîner très rapidement quatre différents sur « Mystère B ». La touche musette est assurée par l’accordéon d’Alain Reynaud et la reprise du « French Touch » de Richard Galliano, entrecoupé d’allusions au « Take 5 » de Dave Brubeck.

Le jazz fait son cirque ne pourrait exister non plus sans les délires percussifs de Pierre Tiboum Guignon sur le « Straight No Chaser » de Monk joué à deux sur le violoncelle électrique d’Eric Longsworth : l’un tape sur les cordes et l’autre se charge de faire les accords d’une seule main ; original… « Tapage » met en scène les cinq musiciens pour un thème exclusivement consacré à des hand drummings sur différentes parties du corps, et par des martèlements de pieds. Tiboum surprend par ses enchaînements et improvisations imaginatifs et on retiendra les belles mélodies de Longsworth, notamment sur « Le jazz fait son cirque » ou « Ballade ». Quant à la « Danse des Moulins » de Jackie Lignon, elle rappelle l’univers dansant de Daniel Goyone.

Et si l’on n’a pas pu se rendre au spectacle, on peut toujours se rattraper avec le disque…pour imaginer le clown jouer sur des accords de jazz.

par Armel Bloch // Publié le 5 janvier 2009
P.-S. :

Liens sites internet :
Site des Nouveaux Nez
Site d’Eric Longsworth
Site d’Asterios

Quelques dates à venir :

23.01.09 Mornant (69) / Centre Culturel
24.01.09 Florac (69) / La Genette Verte

01.02.09 Chateauroux (36) / Equinoxe
02.02.09 Pouzauges (85) / L’Echiquier
06.02.09 Bruz (35) / Le Grand Logis
07.02.09 Vitré (35) / Centre Culturel
08.02.09 Grand Quevilly (76) / Théâtre Charles Dullin

27.03.09 Agen (47) / Théâtre

09.04.09 Limoges (87) / Centre Culturel Jean Moulin
24.04.09 Carcassonne (11) / Théâtre Municipal