Chronique

Gilles Machelart

Enfance

Gilles Machelart (p).

Enfance est le premier disque, autoproduit, de Gilles Machelart, pianiste qui promène ses notes depuis plus de trente ans, notamment à Bordeaux, avec le Trio Rivages.

Machelart a commencé par le piano classique, continué par la guitare, classique itou, pour revenir au piano quand il a découvert le jazz. Des goûts éclectiques ont permis à ce pianiste de jazz autodidacte de se forger un style personnel que lui-même définit ainsi : « Ma démarche va plutôt dans le champ d’un jazz mélodique jouant avec le silence, avec une approche verticale de l’improvisation ».

On pourrait comparer Enfance à un essai, composé de dix-huit chapitres homogènes. Homogènes par leur structure (des thèmes brièvement développés et, souvent, sans conclusion), leur tempo (plutôt largo, avec, de temps en temps, un ma non troppo) et leur puissance - moderato.

Machelart a composé ces dix-huit morceaux dont les titres évoquent clairement des instants de l’enfance : à l’heure des « Pastels » succèdent celles des « Jeux de plage », de la « Récréation », du « Caramel », de l’« Anniversaire joyeux » ou de « L’enfant dort »…

Le pianiste affectionne les phrases courtes jouées par la main droite, séparées par des accords discrets à la main gauche qui font plutôt office de virgules que de points. Les mélodies et leurs développements, lyriques sans maniérismes, restent essentiellement dans le registre médium-aigu de l’instrument. En accord avec l’atmosphère du disque, plus proche de l’introspection que de l’exhibition, le jeu de Machelart est sobre, sans démonstrations rythmiques ou virtuoses. D’ailleurs on se prend à vouloir écouter ce pianiste avec son trio sur des tempos plus vifs et des standards, pour voir comment il garde cette approche intimiste de la musique sur un autre format instrumental.

Evidemment, les inconditionnels de musiques fougueuses risquent de trouver le disque un peu monotone ; Enfance évoque ces discussions tardives au coin du feu, quand l’heure est aux épanchements intimes et nostalgiques et qu’une bonne vieille fine a délié les langues…