Scènes

Jazz à Madrid

ça bouge dans la capitale espagnole…


Vendredi 23 août. Madrid. En arrivant au Clamores Jazz, je croise Jerry González qui sort de sa voiture. En effet, il n’est pas rare de le voir dans Madrid depuis quelques temps, un an et demi en fait. Depuis que le collectif de musiciens du film espagnol de Fermando Trueba, Calle 54, est venu faire une semaine de Latin jazz à Madrid. Une semaine de folie où le public espagnol est tombé amoureux de Gato Barbieri, Cachao, Michel Camilo, Chano Domínguez, Paquito D’Rivera, Eliane Elías, Jerry González. Il fait des allers-retours
entre les USA et Madrid. Certains disent qu’il se serait installé ici.

Je l’ai à peine reconnu. Toujours coiffé d’un chapeau, courbé en avant comme s’il avait 70 ans. Mais non Jerry n’est pas si vieux ! Tout juste 53 ans. Ce soir, il est accompagné de Javier Massó « Caramelo », piano, Javier Colina, basse et Israel Suáez, cajón et percussions. Une heure de retard sur l’horaire prévu (le serveur m’a dit qu’il arrivait de Barcelone) et Jerry arrive enfin sur
scène. Changement de costume, pantalon, chemise et casquette blanche… sans oublier, bien sûr, les lunettes de soleil noires.

Une « descarga » (jam session) s’est improvisée entre Jerry et 3 « palmeros » gitans. Ça commence bien ! Enfin presque. L’ingénieur du son ne semble pas très réveillé ce soir-là. Jerry qui a laissé sa trompette pour les congas, s’énerve en entamant une version latin jazz de Eighty-One. But not for me, Someday my prince will come. Le thème de ce soir est clair : Miles Davis.
Jerry n’a rien perdu de son toucher, de sa texture avec la sourdine. Mais où est le reste du groupe ? Javier Colina se cherche (malheureusement), Israel Suáez ne
veut pas laisser ses « cajones » pour la batterie. Seul Javier Massó, le pianiste, semble être avec nous. Je suis peu convaincu par les arrangements latins. Jerry est bien meilleur trompettiste que percussionniste mais,
malheureusement, il privilégie ses mains à ses lèvres ce soir.

Mais oû vas tu Jerry ? Minuit trente, une heure de set et le son est enfin potable. Footprints. Le groupe semble lui aussi être enfin arrivé, le bassiste trouve
enfin les harmonies qu’il cherchait mais voilà c’est fini, Jerry s’en va. J’étais venu chercher le charme latin, je ne l’ai pas trouvé. Dommage.

Mais je ne veux pas rester sur ma faim comme ça. Le mardi suivant, je décide donc d’aller voir l’un des grands noms du jazz espagnol avec Tete Montoliu, Chano
Domínguez et Jorge Pardo : Pedro Iturralde.

Ce soir là, et jusqu’au 1er septembre au Café Central à Madrid, il est entouré de Mariano Díaz, piano, Miguel Ángel Chastang, contrebasse et Carlos Carli, batterie. C’est une semaine aux couleurs méditerranéennes, car Pedro Iturralde a décidé de puiser dans le répertoire de son dernier disque, Etnofonías, (le disque vient juste d’être remis à la vente). Entre compositions personnelles et réinterprétations jazz de musiques traditionnelles espagnoles, grecques ou françaises, il nous emmène pour un voyage qui réchauffe le coeur et qui fait ressortir nos racines les plus profondes.

La communication parfaite entre Mariano Díaz et Carlos Carli laisse à Pedro le champ libre pour s’exprimer pleinement. Tout commence par une escapade en Grèce, puis retour en Andalousie avec une composition traditionnelle de Manuel de Falla, « la nana ». Ce n’est pas seulement une fusion entre jazz et musiques
traditionnelles, Pedro veut nous montrer toute la richesse et la beauté de ces différentes cultures en suivant le fil de la simplicité : thème en
solo, puis improvisations aux couleurs jazz. L’interprétation de Milonga d’Astor Piazzolla est une pure merveille : Mariano Díaz va chercher le blues et
Carlos Carli fait preuve d’un dextérité remarquable dans ses chorus. La France ne sera pas en reste… Les feuilles mortes de Joseph Kosma transforment la
clarinette de Pedro Iturralde en un véritable chant d’oiseau.

Pedro Iturralde est un formidable saxophoniste. Il nous a démontré ce soir que c’est un instrumentiste attaché aux racines de son pays, mais surtout qu’il est
capable de fusionner tradition et jazz, sans perdre la beauté de chacune de ces musiques.

Le jazz espagnol est encore jeune mais ne cesse de se développer. Aujourd’hui, de nouveaux noms apparaissent comme Javier Colina, Miguel Ángel Chastang, Carlos
Carli. A nous de les découvrir !

A écouter :

  • Calle 54, B.O.F
  • Pedro Iturralde : Etnofonías