Chronique

Joshua Redman

Back East

Joshua Redman (s), Joe Lovano (ts), Chris Cheek (s) Ali Jackson (b), Larry Grenadier (cb), Christian McBride (cb), Brian Blade (dr), Reuben Rogers, Eric Harland (dr)

Label / Distribution : Nonesuch / WEA

Pour qui prend-on Joshua Redman aujourd’hui ? Fils de son père (Dewey Redman, 1931-2006), ancien jeune loup mais pas encore vieux briscard, valeur sûre d’un certain jazz made in USA, héritier de la tradition free paternelle et messager d’un jazz-soul façon Blue Note ? Sans doute un peu de tout cela. Quoi qu’il en soit, il a pris l’habitude, ces dernières années, de livrer des enregistrements parmi les plus intéressants d’outre-Atlantique. La preuve encore ici avec ce Back East marqué du sceau de la disparition du père, quelques mois avant l’enregistrement. Le disque lui est dédié, mais donne aussi à entendre « India’ » de Coltrane et « CJ », l’une de ses compositions.

Joshua Redman a vu grand, ou plutôt ambitieux : le répertoire est joué en grande partie en trio saxophones-contrebasse-batterie, avec successivement Ali Jackson, Larry Grenadier, Christian McBride, Brian Blade, Reuben Rogers et Eric Harland. Des partenaires de premier ordre tous aussi impressionnants les uns que les autres, et d’une précision, d’un aplomb sans faille. [1]

Ce type de trio rappelle forcément quelque chose, voire quelqu’un : Sonny Rollins. Ce Back East serait une sorte de clin d’œil au Way Out West du « Colosse du saxophone » (1957, avec Ray Brown et Shelly Manne), depuis l’instrumentation jusqu’au titre, en passant par la pochette elle-même. Mais Redman est malin, et il a autre chose à faire que d’en découdre à distance avec le Maître. Il s’agit plutôt de livrer un précipité de toutes ses références, ingurgitées, macérées, digérées. Rollins, donc, mais aussi Coltrane, on l’a dit, Dewey, le père, et Wayne Shorter (reprise d’« India Song », enregistré en 1965 sur Blue Note). Il se confronte aussi à des références plus contemporaines : Joe Lovano et Chris Cheek, tous deux invités à dialoguer, l’un au ténor, l’autre au soprano.

Beau programme, donc, et promesses quasi tenues : Joshua Redman, qui n’a jamais surjoué - contrairement à un James Carter -, le fait encore moins dans ce contexte exclusivement acoustique. Il ne joue pas « à la manière de » mais tient un discours apaisé, sans bavardage, sûr de soi, de sa destination. Trop sûr. On aurait aimé sentir davantage l’urgence que le format « trio » peut insuffler. Ce sera pour la scène, à n’en pas douter [2]. Reste que cet « apéritif » a fière allure et se révèle assez goûteux. A table, donc.

par Julien Capel // Publié le 21 juillet 2008

[1Mentionnons au passage que Brian Blade est loin de recueillir tous les lauriers qu’il mérite.

[2Voir Rollins au Village Vanguard en 1958