Chronique

Ches Smith

Laugh Ash

Shara Lunon (voc), Anna Webber (fl), Oscar Noriega (cl), James Brandon Lewis (ts), Nate Wooley (tr), Jennifer Choi (vl), Kyle Armbrust (vla), Michael Nicolas (cello), Shahzad Ismaily (b, kb), Ches Smith (dms, perc, élec).

Label / Distribution : Pyroclastic Records

Parmi les récents enregistrements de Ches Smith sous son nom propre ces dernières années, Laugh Ash est certainement le programme le plus ambitieux. Déplaçant l’approche à l’origine des répertoires de The Bell en 2016 ou encore, en 2021, de Path Of Seven Colors qui, en dépit d’un propos soigné, privilégiaient l’intentionnalité du geste, le batteur propose aujourd’hui neuf pièces méticuleusement écrites.

Au-delà des références savantes que Smith revendique (il cite Steve Reich), la complexité des structures, de même d’ailleurs que la multiplicité des vocabulaires employés, obligent à un solide travail de mise en place auquel les neuf musicien·ne·s font honneur en investissant un univers syncrétique et singulier avec beaucoup de mobilité.

Selon les compositions, en effet, leurs rôles peuvent être en mouvement et leur intervention prendre différentes valeurs et créer ainsi des tensions profitables. La rectitude d’une batterie synthétique et la profondeur d’une basse rampante, celle de Shahzad Ismaily (partenaire de Smith dans Ceramic Dog de Marc Ribot) seront, par exemple, équilibrées par la présence d’un trio de cordes (Jennifer Choi, Kyle Armbrust et Michael Nicolas) qui apportera une légèreté aussi déroutante que bienvenue.

Le groupe déborde, en effet, de personnalités affirmées qui enrichissent un discours à la fois hybride et organique. Sur une première partie du répertoire, le hip-hop de la chanteuse Shara Lunon vient agrémenter le tubesque « Sweatered Webs » d’un flow souple et sensuel, tandis que sur la seconde partie du répertoire, la flûte d’Anna Webber, notamment, déroule des phrases à mi-chemin entre l’improvisé et le contemporain.

Rien de parcellaire pourtant dans cet arrière-plan puisque que le jazz de création pratiqué par la scène new-yorkaise actuelle tient lieu de liant, voire de ciment, et les interventions de James Brandon Lewis (particulièrement), Nat Wooley ou Oscar Noriega sont source d’une plasticité supplémentaire qui donne à l’écriture toute sa vitalité.

Avec une musique aussi belle que la pochette du disque est moche, Ches Smith nous fait découvrir un travail qu’on ne soupçonnait pas et entre derechef dans la catégorie des compositeurs affirmés.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 14 avril 2024
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