Chronique

Nout

Live Album

Delphine Joussein (fl, fx, voc, dms), Rafaëlle Rinaudo (hp, elec, fx, d), Blanche Lafuente (dms, elec) + Mats Gustafsson (bs), Beñat Achiary (voc).

Label / Distribution : Gigantonium

Comme nous le titrions à l’occasion d’une récente interview de la batteuse Blanche Lafuente, Le punk est un jazz comme les autres. Le punk, c’est comme les bananes, aurions-nous pu ajouter : il faut que ça voyage avant de les déguster. Pour le voyage, les trois lauréates de Jazz Migration #7 avec Nout ont de l’expérience ; véritable phénomène de la scène jazz européenne depuis le printemps 2023, on a pu voir la flûte de Delphine Joussein et la harpe transformiste de Rafaëlle Rinaudo sur toutes les scènes d’Europe, déchaînant les foules et enchaînant les pogos. La tournerie saturée d’« Inondation », tiraillé entre le rock bruitiste, la musique répétitive et la transe soufi, enregistré à Bolzano, est un symbole : cette date fut importante pour le trio, puisque c’est ici que le saxophoniste Mats Gustafsson les a rejointes sur scène.

« Ça sent le brûlé » témoigne de cette rencontre parmi d’autres titres ; voici un précipité de ce qui fait le son de Nout : une douceur empreinte de fragilité jouée par Rinaudo, la même qui envoie du gros son à faire pâlir Michael Rother, le guitariste de Neu !. Gustaffson est comme un poisson dans l’eau [1] dans la musique de Nout, au milieu de la batterie lourde et puissante et de la flûte écorchée par la puissance du growl. À l’écoute de ce live, on comprend rapidement pourquoi Nout a tourné dans toute l’Europe, tant l’alchimie de l’efficacité sans concession semble être la chimie pure du trio. « Noutsson », toujours avec le saxophoniste baryton, est criblé de dissonances et de hurlements, perclus d’effets et de décharges électriques. Tout passe avec légèreté. L’outrance est un poids plume, aussi souple qu’alerte.

Autre rencontre, celle de Beñat Achiary à Itxassou, dont « Nuit de sabbat » témoigne. La spiritualité brute qui entoure parfois le chanteur consume Nout comme une étincelle salvatrice. Irrésistibles en trio (on vous met au défi de ne pas bouger la tête dans la transe métal de « Gros canard »), les trois musiciennes trouvent de nouvelles voies lorsqu’il s’agit d’aller vers d’autres univers. Si l’album studio nous avait durablement séduits, le live est une confirmation, une musique inflammable comme l’essence et stable comme le TNT qui bouscule tout sur son passage sans jamais rester dans une posture ni jouer des muscles dans l’attitude du power trio dévastateur. Nout est Nout, sans fioriture. Nout is not dead : ne les ratez pas en concert.

par Franpi Barriaux // Publié le 14 avril 2024
P.-S. :

[1Ou comme un canard dans la mare, pour reprendre l’obsession de Delphine Joussein.