Chronique

[LIVRE] William Claxton/J.-Ernst Berendt

Jazzlife

William Claxton (photos), Joachim-Ernst Berendt (textes)

En 1960, Joachim-Ernst Berendt est déjà l’un des spécialistes du jazz les plus estimés et son Jazzbuch, publié en 1953, a déjà fait le tour du monde. Quant à William Claxton, ses photos de Chet Baker, de Steve McQueen et ses reportages pour Life, Paris-Match et Vogue en ont fait un photographe réputé.

Le musicologue allemand propose alors au photographe américain d’entreprendre un périple de plusieurs mois à travers les États-Unis sur les traces de l’histoire de la musique afro-américaine. Dès le départ, l’idée est de réaliser un livre de photos qui sera publié par l’éditeur allemand Burda Verlag, mais aussi d’enregistrer des musiciens inconnus, d’interroger des témoins de la saga du jazz et d’établir un état des lieux sur le jazz dans les différentes villes et régions d’Amérique. De quoi faire rêver tout amateur de jazz !

Jazzlife est un beau livre, un très beau livre, même ! Son format (trente/quarante) permet d’admirer les photos dans des conditions exceptionnelles. Mais n’imaginez pas que vous allez pouvoir le trimballer dans le métro parce que, forte de ses sept kilos, la bête ne se laisse lire que sur une table. L’éditeur, Taschen, a d’ailleurs prévu un coffret en carton pourvu d’une poignée…

Rien à dire sur la qualité des reproductions, ni sur la mise en page des photos, sobre et classique. En revanche, la lecture des textes serait plus aisée si les tailles de caractère et les marges étaient plus larges, mais il est vrai que Jazzlife fait déjà 696 pages…

Berendt alterne anecdotes de voyage, réflexions sur la musique et descriptions factuelles de certains aspects de la société américaine. Le tout est d’une remarquable pertinence, mais on n’en attendait pas moins d’un « jazzologue » émérite. Les notes sont en anglais, en allemand et en français. Dans sa traduction en français, le style de l’auteur est direct, vif, léger et se lit avec plaisir.

Le disque compact qui accompagne Jazzlife est constitué de prises de son originales qui furent éditées sur deux 33-tours à l’époque. La compilation est d’un intérêt inégal, mais, écoutée en parallèle avec la lecture, elle permet d’illustrer les commentaires de Berendt. Il y a une majorité de blues et malheureusement, la plupart des morceaux sont coupés avant la fin.

Passons au cœur de Jazzlife : les photos. Il y en aurait près de neuf cents (on ne les a pas comptées), toutes plus belles les unes que les autres. Claxton marie élégance et naturel, si bien que, même dans les poses, les musiciens ne sont pas figés comme des icônes ou des mannequins. On trouve aussi bien des photos en noir et blanc qu’en couleur, et les angles de vue sont d’une grande diversité. À l’instar des commentaires de Berendt, les clichés du photographe reflètent les rencontres musicales, bien sûr, mais aussi des scènes de la vie quotidienne, des portraits d’artistes célèbres et des commandes de pochettes de disques - Claxton en a réalisé un grand nombre…

Jazzlife est un livre rare… donc cher. Enfin, tout est relatif, parce que, finalement, 150 euros « ne représentent que » 21 euros le kilo : bien moins cher qu’un disque ou qu’un beau flétan… Alors difficile de résister devant un si bel ouvrage d’art !