Scènes

La foire des jazz

les premiers jours de la fête des jazz en direct de la Porte de Versailles.


La Fête de Jazz est l’événement de ce printemps. Puisse ce compte rendu très partiel des premières journées vous donner l’envie de partager ces instants de pur bonheur.

Samedi 28 avril, le Dixi Project de Didier Havet a retenu l’attention d’un public plus que clairsemé en raison d’une ondée malvenue. Cela est fort dommage, car la formule est originale : jouer des thèmes contemporains sur une orchestration New Orleans. D’excellents solistes, des thèmes riches (Jimi Hendrix, Frank Zappa, Didier Havet), des arrangements pertinents, bref une formation que l’on ne voit pas assez souvent. Didier Havet, son leader, au soubassophone, est, il est vrai, fort occupé par sa place dans l’ONJ. Merci à André Francis d’avoir eu l’idée d’exhumer un tel groupe au sein de l’indifférence générale.

Et puis merci André – non, je vous assure, c’est spontané – d’avoir organisé une telle fête, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Depuis deux jours que je fais la navette entre les trois scènes, je suis émerveillé par l’attitude du public. Je m’attendais à moins de constance, de persévérance, mais il est bien là le public du jazz, tous âges confondus, venu pour étancher une soif de découverte inextinguible. Il faut dire qu’avec plus de dix concerts par jour, il y a de quoi se forger des souvenirs mémorables. Il se mélange avec bonheur avec des curieux qui, loin de batifoler, sont très présents, très attentifs, bref pas le public volatile qu’on s’attendrait à retrouver en un tel lieu.

Aujourd’hui dimanche 29 avril, dans les allées, une bande de joyeux drilles, tout de jaune vêtus, déambule au son d’un funk torride et délirant. Ils viennent du Mans et se nomment « Zéphyrologie ». Un vent à retenir. Alain Jean-Marie nous emmène avec son trio à la rencontre des musiques antillaises. Il joue devant un public quasiment acquis, au seuil du « pavillon de l’outremer ». On apprécie toujours autant le swing et la légèreté du batteur Jean-Claude Montredon. Sur la scène centrale, les jumeaux Moutin vont mettre le feu aux poudres avec leur musique qui, malgré un côté athlétique indéniable, est porteuse d’une émotion intense. C’est un plaisir toujours renouvelé que d’entendre le saxophoniste Sylvain Beuf exprimer d’un souffle puissant et maitrisé sa vision du monde. Si la virtuosité de François Moutin sur « La vie en Rose » enchante toujours autant le public, la prestation en solo du pianiste Baptiste Trotignon, vers la fin du concert, pourra figurer dans des annales virtuelles, où inventivité rime avec virtuosité. Ainsi bien chauffé – il en avait bien besoin – le public accueille le trio du pianiste Jean-Michel Pilc dans l’allégresse. Le leader avait franchi l’Atlantique pour cette seule occasion, c’est dire l’honneur qu’il nous faisait. Ce sera une heure où la sève du jazz de toujours, à savoir les standards, fût revisitée par la formation. Le rappel permit à la foule d’apprécier l’étendue des talents d’un Ari Hoenig qui allait interpréter la mélodie de « Bye Bye Blackbird » sur ses seuls tambours. Ce n’était sans doute pour lui qu’un échauffement avant de rejoindre le Sunside où l’attendait le pianiste Kenny Werner.

Une fois rentré, j’allume l’étrange lucarne. S’y agite un Tom Berenger qui ressemble fort à notre Sylvain Beuf, à moins que ce ne soit l’inverse…