Chronique

Les Humanophones

Corpus

Leïla Martial (voc), Bastien Picot (voc), Wab (voc, human beat-box), Simon Filippi (voc, body percussion), Rémi Leclerc (voc, art direction, body percussion)

Label / Distribution : Absilone

Tout a commencé avec des balades dans le Lot. Rémi Leclerc est lycéen à Figeac et, avec son professeur de maths, randonne régulièrement entre la vallée du Célé, les Causses et le Limargue. Il est alors pianiste – et l’est encore au sein notamment de Stabat Akish – mais sons et rythmes qui se dégagent en cheminant lui semblent dotés d’un fort potentiel musical. Et puis, c’est tout… jusqu’à la rencontre au début des années 2000 avec Leon Parker. Lui a quitté les Etats-Unis et s’est installé à Toulouse où il expose son projet de percussions corporelles. Quand Parker repart momentanément à New York, le projet a fait tilt au point que Rémi Leclerc traverse lui aussi l’Atlantique.

Mais, une fois de plus, rien… en tout cas pas encore ; l’idée a toutefois fait son chemin et Rémi Leclerc, revenu à Toulouse, monte Human Player. Le duo – voix et électronique – témoigne de l’obsession d’une musique réalisée par le biais du corps, mais on n’est toujours pas dans le registre des percussions corporelles. Il continue donc à prospecter à droite, à gauche et démarche. Leïla Martial – doit-on encore la présenter ? – est immédiatement enthousiaste ; WAB, beat-boxeur assez extraordinaire, tout autant ; Bastien Picot – il travaille notamment avec Yaël Naïm – adhère tout comme Simon Filippi venu du spectacle vivant où il a d’abord été marionnettiste et comédien. Et puis, en 2013, le premier concert a lieu. Le projet est si original qu’il vivra au-delà de la seule scène jazzistique. Les Humanophones feront notamment l’International Body Music Festival et la première partie de Faada Freddy au Bikini.

Il fallait donc une bonne dose de persévérance pour mener à terme ce projet et peut-être plus encore pour sortir un album. Car il s’agit d’un spectacle et il n’est pas étonnant de voir la formation programmée au festival de rue d’Aurillac. Qu’allait donc donner un disque pour un projet où les percussions corporelles sont autant visuelles que musicales ? Car frapper sa poitrine, ses cuisses, ses pieds ou ses joues suppose une gestuelle qui s’apparente quelquefois à une chorégraphie. En outre, Leïla Martial et, plus encore, Bastien Picot, ne lésinent pas sur leurs talents d’acteurs. Ils n’hésitent pas, par exemple, à se poursuivre sur scène, mimant la drague. Poilant vaudeville et en même temps très sérieux.

L’album est pourtant convaincant, et pas nécessairement parce que l’auteur de cette chronique a régulièrement vu la formation sur scène. La narration est faite de percussions et d’onomatopées qui racontent des histoires auxquelles on ne comprend rien. Mais on sait d’emblée qu’il n’y a rien à comprendre, juste imaginer. Ça marche bien entendu sur des morceaux où quelques mots sont intelligibles. C’en est ainsi avec « Fée la Belle » ou encore le défiant « T’es pas cap ». Mais ces moments sont rares. Le plus souvent, les musiciens vocalisent des sons qui traînent, percutent, claquent. Ce sont eux qui constituent l’essentiel des histoires que le groupe nous laisse construire à notre gré.