Chronique

Michel Godard

Archangelica

Michel Godard (serpent), Maria Pia De Vito (voc), Freddy Eichelberger (clavecin), Gérard Marais (g), Franck Tortiller (marimba), Patrice Héral (perc), l’Atelier des Musiciens du Louvre avec Bénédicte Trotereau (vln), Geneviève Staley-Bois (vln), Laurent Lagresle (vln), Florence Stroesser (vln), Simon Dariel (vln), François Couvert (alto), Delphine Grimbert (alto), Pascal Gessi (cello), Franck Lepinasse (cello), André Fournier (b), Mirella Giardelli (org, lead).

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Michel Godard se plaît depuis des années à confronter avec aise et créativité les musiques baroques au jazz. Ces deux entités, apparemment opposées, arrivent à se tendre la main grâce au génie du tubiste, qui tente avec ce disque un nouveau pari : celui de conduire l’Atelier des Musiciens du Louvre [1] à partager la scène avec ces grands noms du jazz européen que sont Maria Pia De Vito, Gérard Marais, Franck Tortiller et Patrice Héral. Rajoutons la présence indispensable du claveciniste Freddy Eichelberger, qui ajoute une couleur très baroque à ce projet, outre celle des compositions merveilleusement arrangées pour l’orchestre à cordes.

Peu de musiciens s’étaient confrontés à la difficulté de mélanger deux genres musicaux ausssi éloignés dans le temps, hormis peut-être le clarinettiste Gianluigi Trovesi. Archangelica est un recueil de trésors prestigieux auquel l’ensemble du Louvre apporte toute sa splendeur et son originalité, avec une touche de mystère dans certains passages. On aurait tort de chercher à distinguer systématiquement chaque musicien car ce disque n’adopte ni le format habituel de la formation jazz, ni celui des formations classiques. Les interventions des participants sont mûrement calculées, les propos de chacun mesurés avec la plus grande attention, la plus grande délicatesse. Une façon de concevoir cet album comme un objet de désir. Pour compléter le don de Michel Godard pour l’écriture raffinée, ce dernier comporte aussi quelques compositions écrites par Franck Tortiller (« Enfant trouvé »), Gérard Marais (« Comme une pluie ») ou co-écrites avec Maria Pia de Vito (« Three Together » et « Senza Tremmore ») et Freddy Eichelberger (« L’or des ténèbre ») - preuve que tous sont ici dans un même état d’esprit : exigence et maîtrise d’une rencontre musicale sans frontières permise par le génie de chacun.

On peut se demander ce qu’ont en commun ces deux univers musicaux éloignés. La réponse est peut-être l’improvisation, qui a existé dans les deux courants. Il faudra désormais ajouter le nom de Michel Godard. Doit-on parler de jazz ou de musique baroque ? Question délicate. Des deux, bien sûr, grâce à cette fusion réfléchie. Le solo de guitare électrique de Gérard Marais sur « Senza Tremmore », apporte une générosité accentuée par le serpent [2]. Tortiller respecte l’orientation mélodique par des chorus chantants, particulièrement mis en valeur (« Entrelacs et tours de bras », « Enfant trouvé »). Qui eût cru que les sonorités exquises et boisées du marimba se marieraient aussi facilement avec le clavecin ou la voix de Maria Pia De Vito (« Les couleurs du désir »). De la même façon, cette dernière colle parfaitement au timbre chaleureux du serpent sur « Three Together », « Archanhelica » ou « L’ombre d’or », titre où des effets électroniques accentuent l’émotion d’une musique enthousiasmante.

Les chefs-d’œuvre jalonnant l’histoire de la musique (toutes époques confondues) sont éternels, mais il faut découvrir le travail de Michel Godard pour comprendre ce que l’on pourrait définir comme le renouveau baroque. Après ses deux derniers albums sur le label CamJazz [i], celui-ci reste le plus marquant de son parcours en matière de mariage entre ces deux univers - différents mais ici réunis ici à merveille.

par Armel Bloch // Publié le 15 septembre 2008

[1ensemble spécialisé dans l’interprétation des musiques baroques

[2ancêtre du tuba dont Godard est spécialiste en jazz

[iCousins germains et ImpertinAnce