Chronique

Nicolas Rageau - Yves Brouqui - Grant Stewart - Philip Stewart

Made In France

Grant Stewart (ts), Yves Brouqui (g), Nicolas Rageau (b), Philip Stewart (dm) et la participation de Joe Magnarelli (tp).

Label / Distribution : Elabeth

Sur le contenant : la Statue de la Liberté et Made In France, symétrie évidente avec le jazz fabriqué en France. Sans oublier que la naissance de ces deux événements date de la même époque : 1886 pour l’œuvre de Bartholdi, contemporaine de celle laissée par Bolden. Made In France est également l’album-souvenir d’un séjour new-yorkais à la fin des années 90, comme le souligne Nicolas Rageau dans les notes de pochette : « Les racines de cet enregistrement remontent à la période new-yorkaise de notre vie ». D’ailleurs Rageau et Yves Bourqui ont rodé ce répertoire au Small’s, leur « funky university », pour reprendre les termes du bassiste, et rencontré leurs compagnons de jeu en Amérique du Nord.

Pour le contenu, un mot d’abord sur Elmo Hope (1923-1967). Le Dictionnaire du jazz [1] nous apprend que le pianiste a grandi en compagnie de Bud Powell et que lui aussi admirait Thelonious Monk. Bien que davantage attiré par la musique classique, il se tourne vers le jazz, seule voie possible pour un noir de Harlem… Sa carrière se déroulera à l’ombre des plus grands, tels que Sonny Rollins, Clifford Brown, John Coltrane, Jackie McLean, Johnny Griffin etc. Même s’il a fait partie des « révolutionnaires bop », sa mort prématurée à quarante-trois ans ne lui aura pas laissé le temps d’être reconnu à sa juste valeur. L’hommage de Rageau et de ses compagnons est donc bienvenu.

Côté thèmes, « Low Tide », « One Second Please », « Roll On » et « Bellarosa » sont de Hope, mais le quartet joue aussi « Tonight I Shall Sleep » de Duke Ellington et Brouqui signe quatre titres tandis que Rageau est l’auteur de « Nicotism ». Tous les morceaux sont dans la même veine, typiquement be-bop.

Quant au jeu, les « ingrédients » bop sont également au rendez-vous : walking bass efficace de Rageau, chabada et pêches soutenues de Philip Grant, phrasé dynamique et sonorité épaisse du ténor de Grant Stewart (frère de Philip), guitare « montgomerienne » de Brouqui et trompette énergique de Joe Magnarelli (sur « Bellarosa », par exemple).

Made In France est un album qui embrasse la tradition bop à pleine notes, sans s’écarter du chemin tracé par Charlie Parker et ses complices, mais l’auditeur sent que Rageau et sa bande musiquent avec sérieux, et surtout beaucoup de plaisir !

par Bob Hatteau // Publié le 3 avril 2006

[1Philippe Carles, André Clergeat, Jean-Louis Comolli, coll. « Bouquins », Robert Laffont