TRIBUNS LIBRES… « Deux ou trois mots sur Siggy »
Aux héros de la voltige, des mers et des vents…
Siegfried Kessler est parti.
- S. Kessler © M. Laborde/Vues sur Scènes
Aux héros de la voltige, des mers et des vents…
Deux ou trois mots sur Siggy…
Je ne lui ferai pas une oraison, il connaissait trop le hors champ pour que sa vie ne flirte jamais, dans l’ardeur de vents fous, avec l’infini et l’ailleurs.
Christine Baudillon lui a consacré un film [1] « hors oeil » si je puis dire, un livre-DVD de paroles, de sons et d’images, en inventant une sorte d’Objet Musical Non Identifié d’une absolue nécessité.
Kessler est là, dans chaque plan, dans chaque note à la lisière entre être et folie. Air et mer. Agité. Voire secoué.
Sa vérité est une ligne de fuite permanente au-delà de l’horizon… Et plus loin que ses tumultes ou ses facéties, on pressent le lieu improbable de sa tranquillité. Inspirée par une vision d’avance, comme une habitation enfin possible du corps et de l’âme.
Alors je me souviendrai encore de Siegfried inventant avec l’ami Gilles Elbaz [2], auteur d’une poésie écarlate et organique, un duo voyageur de chamanes au coeur de la matière des mots et des sons, et de Siegfried dans ses envolées solo Solaire et Man and Animals, et de Siegfried pour Phénix 14 avec Jean-François Pauvros, improvisant une allégorie dédiée à la voltige, et de Siegfried contant ses épopées d’accompagnateur d’Archie Shepp avec le syndicat des musiciens américains, et de Siegfried avec un énorme récepteur radio portable surfant sur les petites ondes à la recherche des sons et des voix du bout du monde pour peupler ses nuits, et de Siegfried nous demandant du poïvre (po-ï-vre en phonétique « kesslerienne ») pour ajouter à son café un matin au réveil et puis… je garderai en moi l’éclat solitaire d’un musicien chaviré face à l’ïle du Frioul, les claviers sur le pont de son voilier, le jour en envol, et ses notes d’eau et de souffle comme un salut à l’éternité…