Scènes

The Flail

de jeunes hard boppers qui promettent…


Stéphane Moutot : saxophone ténor - Dan Blankinship : trompette - Brian Marsalla : piano - Reid Taylor : contrebasse - Mat Zebrowski : batterie. 26 juin 2002, le Passe Murailles (Rennes).

« Le Passe Murailles » est un club associatif, géré par des jeunes musiciens bénévoles, installé dans un semi remorque en zone industrielle à Rennes. Le camion partira sur les routes pour des concerts itinérants et reviendra se poser à Rennes, à la rentrée de septembre. Bref, la bohême…

Un quintette, c’est vraiment le maximum que peut contenir la scène. Les musiciens sont jeunes, très jeunes, ils ont l’air d’être encore en high school.

Mais, aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années. Ces gars sont pétris de talent, bourrés d’idées, plein de bonnes références, avec une présence scénique impressionnante, une mise en place irréprochable, des soli inspirés. Bref, rien que du beau et du bon !

Leurs influences majeures à mon avis : les Jazz Messengers, le quintette acoustique de Miles Davis avec Wayne Shorter, Booker Little avec Eric Dolphy et quelques autres qui m’échappent certainement tant ces garçons ont le jazz dans le sang.

Sur une composition de Jackie Mac Lean, le trompettiste a joué « growl », le sax s’est sorti les tripes, le pianiste a fait fumer le piano, du CGV (Clavier à Grande Vitesse) sans dérailler.

La rythmique tourne comme s’ils jouaient ensemble depuis 20 ans, sans s’ennuyer une seule fois. Les standards sont interprétés avec tout le respect et la flamme appropriés. Les compositions sonnent comme de futurs standards tant elles sont équilibrées et riches de possibilités d’expression. Parfois, sans même fermer les yeux, je voyais une jolie fille danser devant la scène. Ce n’était que le fruit de ma rêverie, emporté que j’étais par la fougue de ce groupe.

Ils ont même réussi à jouer « All of you » le 26 juin 2002 avec fraîcheur ! Belle performance. S’ensuivit « Enigmatic pedagogy » du sax ténor et leader du groupe puis « Una muy bonita » d’Ornette Coleman.

Des gars qui passent d’All of You à Ornette Coleman en passant par une composition personnelle montrent une belle ouverture d’esprit, à mon avis. Sur le morceau de Coleman, le trompettiste nous a sorti un solo énorme. Les frères Belmondo devraient surveiller ce groupe. La concurrence arrive.

Et sur le dernier morceau du set, le plancher du camion tanguait tant les spectateurs, dont votre serviteur, battaient la mesure emportés par l’élan de la musique.

Pour le 3e set, un petit plaisir, « Alone came Betty », de Benny Golson. Quand je vous dis que ces petits blancs peuvent jouer le répertoire des Jazz Messengers !

Sur le standard suivant, le pianiste nous offrit un solo orgiaque, poussé aux basques par la contrebasse et la batterie. Le pianiste a de faux airs de Frank Zappa, en plus petit. Et le trompettiste, un blond au regard si romantique et déchiré dans ses solos sur les ballades. Avis aux filles !

Y a pas que les standards dans le Jazz. Brian Marsalla, le pianiste, nous lance sur les pistes des Arcs, station de ski savoyarde où il a dû se faire de belles gamelles, vu ce que j’entends. Soit il a dévalé les pistes noires, soit il a rafté. Enfin bref, ça glissait tout schuss dans « Les Arcs ».

Pour finir le 3e set, le trompettiste calme le jeu alors que la rythmique entretient la tension. Pianiste et saxophoniste nous rejouent une ambiance du style « Turkish women at the bath » de Pete La Roca, un de mes albums cultes. Ca plane pour moi.

THE FLAIL. Ce groupe a déjà sorti un album. Retenez son nom. Si les trois petits cochons ne les mangent pas, ils iront loin. C’est tout le mal que je leur souhaite.