Chronique

Alban Darche & l’Orphicube

The Atomic Flonflons

Alban Darche (as, ss, bs), Chloé Cailleton (voc), Nathalie Darche (p), Didier Ithursarry (acc), Stéphane Payen (as), Olivier Laisney (tp), Christophe Lavergne (dms), Sébastien Boisseau (b).

Label / Distribution : Yolk Records

C’est à se demander si Alban Darche est musicien ou cinéaste… Sans doute est-il les deux, à sa manière. Car avec lui et son Orphicube, c’est souvent une histoire d’images – réelles ou rêvées – qui défilent sous nos yeux en même temps que tournoient des mélodies dont la temporalité est troublée par les hésitations de la mémoire. Le saxophoniste évoque lui-même au sujet de The Atomic Flonflons l’idée d’une « bande originale d’un film imaginaire ».

Allez savoir où nous sommes et quand tout ceci se passe : avant, mais quand exactement ? Faut-il parler de nostalgie ? Oui, sans doute, tant le long métrage semble filmé en noir et blanc, avec la danse chevillée au cœur de son scénario. Toutes les danses ou presque, celles qui ont fait chavirer tant de corps il y a longtemps maintenant : ragtime, tango, valse musette, java, Charleston… Ici tout s’enchaîne, dans une succession d’accélérations joyeuses (« Jungle », « Rhythm Song » et sa dictée musicale aux accents latino-américains) et de pauses où la mélancolie affleure, comme au long de « L’oiseau qu’on voit chante sa plainte », extrait du poème « Le Ciel est par dessus le toit », de Paul Verlaine, une belle occasion pour Alban Darche de dérouler un chorus chargé d’émotion au saxophone baryton. Surtout, The Atomic Flonfons est un disque sinueux, dont chacune des courbures rythmiques masque la suivante et réserve une nouvelle surprise. Ce pourrait être un fouillis mais il n’en est rien : en arrangeur inspiré, sûr des richesses de son orchestre, Alban Darche sait ne jamais dérouter. Il attise la curiosité pour la satisfaire aussitôt à grand renfort de textures soyeuses.

Et si les musiciens qui forment l’Orphicube, cette fanfare presque familiale, joyeusement désenchantée, sont désormais bien identifiés et fidèles au rendez-vous, on se réjouit de l’arrivée de la Nantaise Chloé Cailleton, qu’on a pu repérer tant au sein du Collectif Spatule que du Medium Ensemble de Pierre de Bethmann. La chanteuse multiplie les rôles ; elle dit, vocalise, habite chacun de ses personnages avec une ferveur qui est une invitation impérieuse à se laisser emporter avec elle et ses camarades de danse. Voilà encore une artiste dont on se demande si l’origine est à chercher du côté de la musique ou du cinéma. Une chose est certaine, elle n’est pas loin de s’être emparée du premier rôle !

On sort de ce bal bariolé qu’est The Atomic Flonfons dans un étourdissement heureux, sous les effets d’une ivresse partagée, au son des verres qui s’entrechoquent. Ses couleurs instrumentales chaudes, ses rêveries suggérées et ses détournements mutins (ici, on n’hésite pas à livrer une version germanique de « La Paloma ») sont une preuve supplémentaire de l’existence de beautés secrètes qu’Alban Darche et son Orphicube savent révéler au grand jour, ce dernier fût-il un soir de plaisir…