Chronique

András Dés Rangers

Einschließlich

János Ávéd (ts), Márton Fenyvesi (g), Mátyás Szandai (b), András Dés (perc, objets)

Label / Distribution : BMC Records

Symphonie sylvestre. Après s’être auto-désigné « plus mauvais chanteur du monde », András Dés s’est retiré dans la forêt. Pas par honte, ni par goût de l’ermitage, mais parce qu’il avait l’envie, le besoin de communiquer dans la nature, emportant avec lui le fidèle Márton Fenyvési, guitariste qui le suit dans toutes ses aventures, même les plus folles, même les plus poétiques. Jusque dans la forêt, donc, à collecter des pierres et du bois pour en faire les instruments les plus naturels qui soient. En août 2019, Dés a donc convié son quartet dans la forêt de Németbánya, dans le nord-ouest de la Hongrie, pour enregistrer un disque qui compose avec les éléments. Au sens le plus strict. Le lieu est visiblement inspirant : sur « Music for Brokers », alors que Dès tape sur des pierres, des objets trouvés comme il l’écrit très poétiquement en français dans le texte, le saxophone de János Avéd traîne une douce langueur ; dans « Interplay II. Onwards » qui lui fait suite, c’est la contrebasse bien familière de Mátyás Szandai qui offre de nouveaux chemins.

Il y a beaucoup de jeu dans E0inschließlich. Au sens enfantin du terme. Sur « Pan », András Dés joue des percussions avec des parties de son corps, tente de battre Fenyvesi de vitesse, poussé dans ses retranchements par une guitare qui ne tombe jamais dans le piège de la contemplation. Pas plus qu’Avéd, qui s’octroie le rôle d’un vent changeant et joyeux, coloriste en diable, à l’image de ce qu’il nous avait proposé dans Balance, déjà avec Fenyvesi. Rien ne ressemble moins à une communion New Age que cet album. Il ne s’agit pas de rendre hommage à la Nature comme une entité abstraite, mais bien de s’amuser avec ses fruits et ses reliefs, de profiter de ce qu’elle offre sans préjugés. De faire avec et de s’y fondre, à l’instar de ce que faisait Henry David Thoreau à Walden, Massachussetts.

C’est une sacrée performance que cet enregistrement. Pas seulement parce que les quatre musiciens s’amusent dans les sous-bois avec les mains brunes de terre. Mais c’est encore une fois la qualité de l’enregistrement de Budapest Music Center, dans des conditions assez inédites, qui surprend. Parce que même si l’on entend la nature, et qu’elle apporte un écho, un espace à cette virée dans la forêt, on profite à plein de cette musique joyeuse et pleine d’empathie, attentive à l’humain et à son monde, comme András Dés nous y a toujours habitués.