Scènes

Biréli Lagrène & Sylvain Luc : il pleut des cordes

Échos masqués de Nancy Jazz Pulsations # 2 – Vendredi 9 octobre 2020, Salle Poirel : Bireli Lagrène et Sylvain Luc.


Biréli Lagrène et Sylvain Luc © Philippe Leher

Un franc soleil a régné sur les douze cordes de ces deux amis guitaristes, dont on n’a pas oublié l’album « Duets » paru voici plus de 20 ans. Ces cordes-là étaient beaucoup plus aimables que d’autres, tombées en pluie fine tout au long d’une journée décidément automnale.

Autre lieu, autre ambiance. Cette fois, c’est dans une salle Poirel remplie, mais dans les limites imposées par la nécessité de distance, à l’abri des intempéries – ah cette pluie tant espérée après des mois de sécheresse qui se met à tomber quand NJP paraît – que nous attendent Biréli Lagrène et Sylvain Luc. Deux amis de longue date, deux guitaristes enlumineurs et un répertoire qui s’ouvre à tous les vents. De Django Reinhardt à John Coltrane, en passant par Tony Bennett et son « Shadow Of Your Smile » ou Billy Joel et « Just The Way You Are ». Qu’importe le flacon, comme on dit…

Biréli Lagrène & Sylvain Luc © Philippe Leher

Je ne reviens pas ici sur les qualités hors normes de ces deux musiciens qui, malgré la solitude des mois écoulés sous confinement et des parcours qui ont suivi leur chemin propre, se connaissent sur le bout des doigts. Leur duo est une concorde à douze cordes. Les thèmes sont souvent esquissés, parfois introduits avec malice et force clins d’œil, avant de belles échappées improvisées. On ferme les yeux, on se laisse emporter par une invitation permanente à une rêverie à peine troublée par le mouvement d’une caméra au plus près des musiciens, tout au bout d’un long bras articulé. Il y a de la captation dans l’air. Chacun des deux protagonistes s’offrira un temps en solo – occasion pour Biréli Lagrène de rappeler à quel point il est aussi un formidable rythmicien – avant que la paire enchantée ne revienne pour un final qui fleure bon la bossa nova et la musique de films.

C’est un sans-faute qui, à défaut de réelle surprise – le concert est, par toutes ses qualités, conforme à ce que chacun pouvait attendre – a su ensoleiller une soirée qui en avait bien besoin. Le rappel réclamé par le public a permis de faire durer encore un peu ce plaisir devenu rare d’une douceur partagée.

Pour terminer, un petit mot sur ces histoires de sécurité qui modèlent désormais notre vie quotidienne. Qu’on me comprenne bien : loin de moi l’idée de contester la nécessité d’un contrôle à l’entrée des salles et lorsque tout se passe bien, il faut aussi le souligner. Autant le comportement des vigiles jeudi soir au Parc de la Pépinière était insupportable de zèle taciturne, autant celui de la salle Poirel s’apparentait à une « sécurité douce », pour employer un vocabulaire en vogue. Un sourire, un sac présenté sans qu’il soit pris en main, une invitation aimable à utiliser le gel hydroalcoolique… et voilà, c’est tout simple.