Chronique

Camila Nebbia

La permanencia de los ecos

Camila Nebbia (ts, elec, voc), Cecilia Lopez (elec, fx), Maya Keren (p), Joanna Mattrey (vla), Lesley Mok (dms)

Label / Distribution : 577 Records

La carrière de Camila Nebbia est déjà riche. Elle peut déjà s’articuler en plusieurs avatars, de ses prises de risque en solo jusqu’à ses rencontres, duales, au nom d’une improvisation débridée et souvent ravageuse. Au-delà de ces deux axes, il y a le travail de la saxophoniste avec une effectif plus large, de son somptueux quartet à ce présent quintet, tout neuf et déjà plein de promesses, avec des climats étranges et parfois interlopes où le son se sculpte avec patience, loin des ruptures, où la matière électronique est une dimension supplémentaire. Ces aventures sont la plupart du temps réalisées avec un orchestre strictement féminin, la sororité du jazz offrant une liberté supplémentaire où l’on peut questionner les souvenirs et se laisser porter par leur persistance ; c’est tout le thème de La permanencia de los ecos, que la musicienne voyageuse a enregistré dans la torpeur d’un mois d’août étouffant à New York, en 2022.

Parmi les camarades de l’Argentine, on retrouve la batteuse Lesley Mok, dont nous avions réalisé un portrait il y a quelques mois ; dans ce morceau unique, où la voix de Camila Nebbia apparaît encore, fugace, lointaine, presque fantomatique, le rôle de Lesley Mok est de souligner et de construire, avec une grande musicalité. Le reste de l’orchestre offre une vraie profondeur tourmentée, à l’image du piano de Maya Keren, qu’on avait pu entendre dans l’album de David Mirarchi, Paper Attic. Le lien entre le piano et la batterie est l’une des deux grandes tangentes d’un album moins à fleur de peau que le quartet de Nebbia, mais traversé par des sentiments forts, avant tout stimulé par l’autre grande affaire de ce disque, la relation incroyable du ténor avec le violon alto de Joanna Mattrey. On l’avait déjà repéré dans Idiom d’Anna Webber, elle illumine ici l’album, prenant l’initiative souvent pour colorer ce savant mélange d’écriture complexe et d’improvisation.

Pour explorer l’espace nébuleux construit par l’orchestre, l’électronique de Cecilia Lopez est l’ingrédient parfait. Il y a peu, on avait pu découvrir la jeune Argentine dans un duo très intrigant avec Ingrid Laubrock. Cette spécialiste des installations électro-acoustiques apporte à La permanencia de los ecos justement cette écholalie souterraine, sombre parfois, mais qui libère la parole des autres membres du quintet. Camila Nebbia est une artiste qui sait absolument bien s’entourer, ce disque paru chez 577 records en est un exemple supplémentaire.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 janvier 2024
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