Chronique

Clément Janinet et Benjamin Flament

Organic Anatomy

Clément Janinet, vl ; Benjamin Flament, vibr.

Label / Distribution : Autoproduction

Tous deux membres de Radiation 10, le grand ensemble du Coax Collectif, le violoniste Clément Janinet et le vibraphoniste Benjamin Flament animent depuis plusieurs années un duo qui trouve avec Organic Anatomy sa première traduction en album. Une façon de faire perdurer les atomes crochus de l’orchestre, loin de l’électricité saillante et des cuivres ardents. Le duo livre un dialogue intime qui n’hésite pas à tutoyer le silence, à l’instar de la « Musica Callada XV » de Federico Mompou. Dans cet arrangement, les murmures du piano se muent en friselis d’archet, à peine troublés par les gouttelettes de métal du vibraphone. Un clavier ne remplace pas l’autre, les deux instruments se complètent et transportent le silence du compositeur dans différentes dimensions. La douceur plaintive de la partition originelle laisse place à une rêverie à deux, pleine de finesse.

Les morceaux, souvent assez courts, choisis par le duo, pourraient s’en tenir à cette mousseline onirique qu’on retrouve également sur « Le Funambule » (signé Benjamin Flament). Le jeu des musiciens a suffisamment de retenue pour rester dans ce registre pastel qui n’a rien de superficiel. Mais ce serait oublier la malice qui jaillit parfois sans prévenir, dans une turbulence toute enfantine. Depuis la cavalcade primesautière de « Guignolesque », où le violon papillonne entre les maillets de Flament, jusqu’aux overdubs qui le transforment en guitare de poche sur « LA 380 », le disque est traversé de sentiments contraires. Ils installent un climat très poétique, dans un espace qui n’appartient qu’à eux.

On pourrait croire la jubilation insouciante de « Dancers In Love » - reprise de Duke Ellington - tout droit sortie d’un film de Jacques Tati ; à l’inverse, « Arthel », qui lui fait suite, installe une inquiétante étrangeté dans le carillon persistant du vibraphone, qu’on croirait issu d’un roman fantastique de l’époque victorienne. C’est la synthèse de ces mondes qui fonde la force du disque. Quelle qu’en soit la couleur, ce duo est un pourvoyeur d’images qui ne perd jamais sa cohérence. Il ne faut que quelques notes à Janinet et Flament pour définir une ambiance et la développer profondément. Organic Anatomy est un disque de haute voltige qui, à partir d’un alliage troublant, donne un résultat très séduisant.