Scènes

Dhafer Youssef Quartet

Le Rhino Jazz festival a jeté ses derniers feux le 23 octobre 2010 à Lyon avec un concert rassemblant autour de Dhafer Youssef le feu follet Tigran Amasyan, le poète Chris Jennings et l’efficace Mark Giuliana


Un mois et plus de cinquante concerts plus tard, le Rhino Jazz festival de Saint-Chamond a jeté ses derniers feux le samedi 23 octobre 2010 à l’Amphi-Jazz de l’Opéra de Lyon avec un concert remarqué et remarquable rassemblant autour de Dhafer Youssef le pianiste feu follet arménien Tigran Amasyan, le contrebassiste poète Chris Jennings et l’efficace batteur Mark Giuliana. Le Rhino a une dernière fois exhibé sa corne pour cette saison. D’une belle couleur bleue, mordorée de nuances soufies, elle avait des vertus presque aphrodisiaques.

Dhafer Youssef Quartet
Magistral final du Rhino Jazz Festival

Devant un amphi bourré à craquer (plus que jamais cet arc-de-cercle souterrain ceinturant les musiciens crée d’emblée une ambiance chaleureuse et recueillie), Dhafer Youssef et « son » quartet s’installent en douceur. Deux notes de oud, trois mesures de voix donnent le ton de cette soirée particulière consacrée à ce quartet syncrétique et vivace. Dhafer Youssef en est au centre, mais la magie créée par ses accompagnateurs - voir le récent et très abouti Abu Nawas Rhapsody - qui prennet manifestement plaisir à se produire tout au long de l’année à ses côtés - consiste précisément à ne pas se contenter de l’escorter ou de lui donner la réplique, mais de construire avec lui un univers qui repousse sans cesse ses limites et sape tout repère convenu.

Dhafer Youssef © Yann Renoult

Etonnante, en effet, la symbiose entre ces quatre instruments et ces quatre musiciens attentifs qui, soucieux d’équilibre, déploient peu à peu une énergie démoniaque. Ne surtout pas croire le joueur de oud quand il promet au public qu’il va « calmer le jeu » grâce à une ballade ou à ses interventions vocales suraigües qui s’appuient sur un piano retenu ou une contrebasse attentive ! Quoi qu’il en soit le quartet impose sa « rhapsodie » en évitant le piège de l’omniprésence du oud qui, lorsqu’il est joué de façon fine et pleine, peut éclipser les autres instruments. D’ailleurs, sur les premiers morceaux, alternane de ballades faussement simples et de rythmes plus « pêchus », on pouvait se demander si la fusion allait réellement prendre. C’est là que réside le miracle de de la confrontation complice entre ces quatre oiseaux de passage : chacun réussit à ajouter sa propre strate à l’atmosphère d’ensemble. Plus que le premier solo de Tigran Hamasyan, toujours vigoureux mais un peu mécanique, on retiendra les interventions poétiques de Chris Jennings mais surtout l’étonnante écoute du batteur Mark Giuliana : un mélange de velouté, de sobriété, de frappes millimétrées d’une infinie résonance ; un son qui donne à son instrument une vie unique et incite la salle à garder le silence pour ne rien perdre du perlé de la cymbale ou du sourd murmure du tom à peine effleuré.

Ces accents soufis ont, pour l’ultime concert du Rhino Jazz, enflammé l’Amphi-Jazz, et les rappels se sont succédé, manière de prolonger le plus possible un festival qui, cette année, s’est fait plus nomade que jamais en mobilisant vingt-trois villes et autant de lieux… pour quarante-deux formations ! Un souhait : qu’il bouge un peu moins l’année prochaine. Un peu trop dispersées, les notes bleues ne sont pas toujours faciles à suivre…