Chronique

Eclectik Percussions Orchestra

Yatra, Le Grand Voyage

Rishab Prasanna (bansûri), Guy Constant (perc), Nicolas Gégout (ts, as, ss, fl, clb, cl), Yragaël Unfer (vib, perc).

Label / Distribution : Le Bazardier / Inouïe

Voyageur insatiable, le percussionniste Guy Constant mène depuis des années son Eclectik Percussions Orchestra (EPO) de port en port, à la recherche de nouvelles musiques, de langages et de traditions à explorer. C’est ainsi qu’on l’avait entendu nous conter son odyssée à travers l’Afrique avec le saxophoniste Oliver Lake dans le remarquable Traces de Vie paru en 2017. Pour ce musicien dévoué à la parole et l’esthétique de Coltrane, la question spirituelle, tout autant que celle de la transmission, est centrale. Dès lors, on ne sera pas surpris qu’après le continent africain, l’EPO embarque pour le sous-continent indien, à l’occasion d’une nouvelle rencontre : c’est désormais le flûtiste bansurî Rishab Prasanna qui guide la découverte. Issu d’une grande famille de musiciens de New Delhi, Prasanna habite « La Libération », où sa flûte rencontre la clarinette basse de Nicolas Gegout et le vibraphone d’Yragaël Unfer.

C’est avec une nouvelle équipe restreinte que Constant s’embarque dans ce voyage. Il y a, dès « L’Appel », composition de Prasanna, une volonté d’aller à l’essentiel, de suivre une voie où les enseignements des spiritualités indiennes ont une large place. On pense, évidemment, aux expériences telles que Shakti ou à certaines directions prises par Pharoah Sanders, le décorum en moins. Guy Constant ne cherche ni l’exotisme, ni Dieu derrière chaque pilier. « Les 11 Cercles de l’ego » ont certes une origine liée au yoga, mais ce qu’il en ressort avant tout, c’est un magnifique dialogue, la flûte et les percussions d’Unfer devisant entre les mondes avec le plaisir comme langage véhiculaire. Les rythmes imprimés par Constant sont complexes, parfois en rupture, mais tout semble d’une grande limpidité.

Le secret du Grand voyage réside sans doute dans « Les 5 Cercles de Maya », morceau central et sans doute le tribut le plus clair à l’esthétique coltranienne. Dans un apparent chaos liminaire, où les rythmiques s’accordent pour se heurter l’une l’autre, le saxophone ténor de Nicolas Gegout s’enflamme comme pour tout remettre en ordre avec un succès couronné par l’apparition de Rishab Prasanna sur un chemin redevenu serein. L’Inde de Constant et de l’EPO n’est pas une chimère, c’est même un très beau voyage.