ErikM & L’ensemble Dedalus

Fata Morgana, c’est le nom de la Fée Morgane en italien, mais à l’écoute du nouvel album du musicien français ErikM et de l’ensemble Dedalus où l’on retrouve la violoncelliste Deborah Walker et le tromboniste Thierry Madiot, il s’agit plus sûrement de l’effet d’optique du même nom : un phénomène rarissime de mirage, par grande soirée d’été, notamment au large des côtes vendéennes. A Brétignolles sur Mer, en regardant vers l’île d’Yeu, on aperçoit des constructions incomplètes qui n’existent pas et qui sont pourtant là : la fée Morgane est à l’œuvre, et la musique d’ErikM ne lui est pas étrangère. Le travail de Dedalus et de l’électronicien, en investissant le spectre sonore dans toutes ses dimensions, travaille à même le mirage. Ainsi va « Sonomorphose » où les sons générés par ErikM s’amalgament à la trompette de Christian Pruvost, toujours unique dans ce genre de contexte.

Dans Fata Morgana règne l’étrangeté. On y relève de nombreuses techniques étendues qui produisent une expression abstraite et cependant immédiatement sensible, comme sur le bien nommé « Les Royaumes de l’irréel », quand un son souterrain, comme une fondation solide, vient enserrer la flûte d’Amélie Berson jusqu’à l’intégrer dans une pulsation mutante. On se souvient du travail d’ErikM avec les percussions de Strasbourg en 2018 : la démarche est sensiblement la même, celle où le créateur de sons s’empare de l’instrument dans une fusion lente d’où les repères s’échappent pour créer une bien poétique confusion. Un ailleurs improbable et pourtant tangible.

La force de cette œuvre, c’est d’offrir à chaque écoute un paysage différent, changeant, incertain. Une fragilité éthérée et paradoxalement immuable, telle qu’on la perçoit dans le très beau « Solastalgie ». Une impression diffuse, légèrement angoissante car instable, qui correspond à merveille à l’œuvre singulière d’ErikM. Un disque solaire (c’est ce qu’on fait de mieux pour les effets d’optique !) et énigmatique proposé par le label Relative Pitch.