Chronique

Frédéric Adrian

Nina Simone

Label / Distribution : Le Mot et le Reste

Frédéric Adrian est un garçon très sérieux et méticuleux qui connaît très bien sa gamme de blues et qui a déjà vérifié, analysé, classé et romancé les vies de Marvin Gaye, Otis Redding, Stevie Wonder et Ray Charles. Il était temps qu’il s’attaque à la vie d’une musicienne de cette trempe.

Aussi, il a passé un temps conséquent à fouiller et éplucher la presse musicale, en grande partie française - quand on ne parle pas gastronomie on s’écharpe à propos de musique - et les ouvrages de référence afin de remettre en perspective ce qui s’apparente à la légende ou à la réalité dans la vie de Nina Simone.
Présenté comme une biographie romancée (mais bourrée de notes de bas de page), le livre colle à la vérité la plus crue. Adrian ne tombe pas dans le piège d’une biographie complaisante et aveuglée par l’admiration (mais on suppose qu’il s’est fait la main sur les livres précédents) et arrive à délicatement écarter les épisodes biographiques légendaires, sans juger de leur pertinence ou de leur gravité.
De fait, on peut presque résumer la vie de la pianiste par ces quelques lignes :
Douée, bonne élève et pianiste aguerrie, elle se démarque par le refus de briller dans la matière « Économie domestique » - un cours pour apprendre à tenir son foyer - ; à 16 ans devient trésorière de la branche locale de la NAACP et organise une rencontre dans son école avec Langston Hughes.

L’auteur revient également sur cette blessure originelle tant colportée, celle de son renvoi de l’école de musique classique pour un motif raciste, qui semble le fruit d’une interprétation personnelle et ne colle pas à la réalité. Seules des recherches approfondies permettent de recouper les informations nécessaires à cette mise en perspective historique. Elles ont été faites.

Ainsi, le livre déroule la vie mouvementée de l’artiste, ses problèmes de santé, d’addiction, mais aussi ses succès, ses combats pour la liberté, etc.
« Are you ready Black People ? » demandait-elle lors du Summer of Soul de Harlem en 1969. « Are you ready to kill if necessary ? » « Are you ready to burn White things ? » Ces paroles de colère, scandées sur scène, ne pouvaient trouver meilleur héraut que la grande dame qui, quelques mois plus tôt, chantait devant le président des USA lors de l’hommage à Martin Luther King assassiné…

Sans réels chapitres, mais avec des pochettes de disques comme respiration dans le texte, les plus de 200 pages se lisent aisément et procurent un certain sentiment de compassion pour cette artiste qui - mais c’est pour ça qu’elle est devenue Nina Simone - s’est quand même bien cognée contre les murs en avançant.
Et, toutes proportions gardées, elle me fait penser à Hazel Scott dont la vie suit parfois quelques routes similaires…