Chronique

John Raby

Frank Zappa

Label / Distribution : Le Mot et le Reste

Philosophe spécialiste de Deleuze, John Raby est aussi un acharné de l’oeuvre zappaïenne. Avec son livre sobrement nommé Frank Zappa aux éditions Le Mot et Le Reste, il confirme sa connaissance profonde de l’œuvre du divin moustachu, après sa participation en 2018 aux Zappologies organisées à la Philarmonie de Paris. La démarche de Raby a ceci d’intéressant et de novateur qu’elle aborde l’œuvre de Zappa album par album, ne conservant que la discographie officielle du vivant du compositeur. La discographie posthume, pour riche qu’elle soit, ne présente en effet principalement que des pièces de collection, du fan service, des documentations pour approfondir le sujet ou des coups marketing douteux comme le récent Funky Nothingness. On ne peut donc que l’en féliciter.

C’est donc avec un certain délice qu’on baguenaude, réécoute en cours, entre Freak Out ! et The Man From Utopia en redécouvrant les histoires et les galères, les liens avec les musiciens, les influences et surtout l’analyse des textes des chansons, un point parfois oblitéré dans la littérature pourtant abondante sur Zappa. C’est ainsi qu’on renoue avec les paroles provocatrices de « Brown Shoes Don’t Make it » sur Absolutely Free ou l’outrance cynique de « Bobby Brown Goes Down » sur Sheik Yerbouti. On croise également la route de sa passion pour le doo-wop, Ives, Stravinsky et Varèse ou sa saine détestation de David Bowie qui lui piquait ses musiciens comme ce fut le cas pour Adrian Belew [1]. Au fil des disques, des gros plans sont faits sur ses plus fidèles compagnons (Aynsley Dunbar, Ruth Underwood…) ou sur ses ennuis avec les majors, se concentrant sur les climats de chacun des disques… les plus obscurs, comme Francesco Zappa se révélant sous la plume de Raby.

Complémentaire de l’abondante littérature zappaïenne francophone proposée par Guy Darol ou Christophe Delbrouck, le Frank Zappa de John Raby est de ces livres qui se compulsent dans le désordre et au gré des envies, au moment de replonger dans la discographie géante du guitariste, pour glaner des infos ou se remémorer les conditions d’enregistrement, souvent aussi délicieusement rocambolesques qu’elles savaient être le fruit d’un travail acharné. Tout autant destiné aux aficionados qu’à ceux qui voudraient trouver les clés de la continuité conceptuelle de cet artiste majeur, le Frank Zappa de Raby est un indispensable, bourré de références et toujours pertinent.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 septembre 2023

[1L’écoute attentive de « Be in my Video » est de salubrité publique, NDLR.