Chronique

Jon Balke Siwan

HAFLA

Jon Balke (keyb, elec, tombak), Mona Boutchebak (voc, quitra), Derya Türkan (kemence), Bjarte Eike (baroque vln), Heige Norbakken (perc), Pedram Khavar Zamini (tombak) Per Buhre (voc, vla)

Label / Distribution : ECM

Il y a des artistes qui s’engouffrent dans les méandres de la world music en s’imaginant que des fusions instantanées vont générer une musique universelle et inouïe. C’est souvent cause perdue, les superpositions culturelles ne permettant que rarement d’atteindre une osmose naturelle. Dans le cas du compositeur et claviériste norvégien Jon Balke, les choses sont tout autres.

Son collectif musical transculturel et trans-idiomatique Siwan accouche ici de son troisième album Hafla, composé de douze morceaux .

L’esprit du projet Siwan est depuis ses débuts dédié à Al-Andalus, évocation des territoires ibériques sous domination musulmane entre le huitième et le quinzième siècle. La voix de la chanteuse algérienne Mona Boutchebak revisite avec grâce les textes poétiques de la princesse omeyyade Wallada bint al-Mustakfi, de Ibn Zaydun et de Ibn Sara As-Santarini. Le chant oscille entre psalmodie et ornementations ; c’est le cœur même de cette musique. Pureté. Le virtuose turc Derya Türkan fait entendre son kemençe, instrument a trois cordes frottées par un archet. Il côtoie avec bonheur l’iranien Pedram Khavar Zamini spécialiste réputé du tombak, cette percussion traditionnelle jouée dans toute la Perse.

Nous ne sommes jamais loin de la musique arabe classique avec les tapis de cordes symphoniques qui soulignent les ponctuations rythmiques des instruments traditionnels. Jon Balke se garde bien de trop s’immiscer avec ses claviers électroniques au sein de cet ensemble acoustique, tout juste intervient-il lors des moments les plus aériens avec intelligence et raffinement.
Certains morceaux ont plus de pouvoir évocateur que d’autres - en particulier les très réussis « Diálogo en la Noche », « Uquállibu » et « Waddadu » - mais la cohérence d’ensemble est respectée et fait de Hafla un album qui nous rappelle l’importance capitale de la poésie arabo-andalouse ancienne.

En persévérant dans son fastueux projet musical avec ces ponts jetés entre Occident et Moyen-Orient, Jon Balke nous rappelle combien il était évident à cette période médiévale de n’être qu’un seul et unique peuple chantant et dansant en chœur.