Chronique

Mario Canonge

Mario Canonge Trio

Mario Canonge (p, chœurs, perc), Michel Alibo (cb, chœurs, perc), Arnaud Dolmen (dm, chœurs)

Label / Distribution : Aztec Musique

Nous pouvons envier les spectatrices et les spectateurs qui assistèrent en janvier 2023, à Fontenay-sous-Bois, à la prestation du pianiste Mario Canonge épaulé par Michel Alibo à la contrebasse et Arnaud Dolmen à la batterie. Cet enregistrement en est le témoignage privilégié.

Ce trio acoustique où la trame musicale est entièrement composée par le pianiste antillais est d’une éloquence sans pareille. Les surprises harmoniques rythment l’enregistrement et le moins que l’on puisse dire c’est que les interactions ne sont pas le fruit du hasard : pour arriver à un tel degré d’inventivité partagée il faut bien se connaître ; mieux, s’apprécier mutuellement.

Mario Canonge a plusieurs cordes à son arc : son expérience passée avec le groupe de fusion Ultramarine parle d’elle-même et, durant ces derniers mois, il a enregistré en compagnie de son ami Michel Zenino le deuxième acte de sa formation Quint’Up. Mais ce qui habite Mario au fond de lui, ce sont les trios traditionnels piano, contrebasse, batterie inspirés par les musiciens sanctifiés de sa trilogie : Duke Ellington, Thelonious Monk et Bill Evans. Avec ce trio nous sommes emportés par des références à ces grandes figures du jazz mais pas seulement : s’y font jour les effluves de la Martinique natale du pianiste et une contemporanéité sans faille.

« À fleur de terre », qui ouvre le concert, est construit sur une succession de rebondissements mélodiques ingénieux et illustre la parfaite connaissance du clavier de la part d’un Mario Canonge à l’inspiration éclatante. « Madikéra » invoque des réminiscences insulaires colorées où plane l’ombre souveraine d’Horace Silver. Le travail pianistique de la main gauche est remarquable dans « Half Way There », instant précieux où le contrebassiste et le batteur s’épanchent merveilleusement dans des solos magistraux. « Karnaval Blues » fait parler la virtuosité régénérante ; elle devient prétexte à créativité sans aucunement négliger le chant vécu comme matière première. Il faut se plonger avec délectation dans la musicalité d’ « Entre la Pelée et l’ Ararat » pour parfaitement mesurer l’osmose qui habite la paire rythmique : Michel Alibo fait cohabiter puissance et finesse mélodique et Arnaud Dolmen retrouve les sonorités des tambours de son île. Dans cette ultime composition, un solo de batterie est valorisé par le soutien des chœurs qui apportent une identité forte tout au long de l’album.

Mario Canonge possède une extraordinaire connaissance de son instrument mais son intelligence lui évite de se laisser envahir par des facilités techniques. Baigné par des compositions fertiles, ce disque en public est exemplaire et nous procure un plaisir sans cesse renouvelé.