Michele Hendricks

Pas évident d’être une « fille de… » dans l’univers trop masculin du jazz. Est-ce pour s’émanciper de l’héritage de son père Jon, roi du vocalese (cet art vocal qui consiste à interpréter des thèmes et solos bop habituellement dévolus aux instrumentistes), que Michele Hendricks met ici en avant ses propres compositions, ainsi que celles d’arrangeurs français et de compositeurs d’exception (Neal Hefti, Bobby McFerrin) ? En tout cas, elle fait montre d’un talent aux multiples facettes, naviguant entre swing, latin, boogaloo voire même… gigue celtique !

Le débit bop est bien là, avec ses ruptures et ses phrasés subtils : jamais caricatural, il s’immisce dans les thèmes et dans les scats qui nous régalent, dans un registre médium avec cette voix trempée dans le blues, à même de dévoiler un growl d’enfer. Les paroles qu’elle a écrites, souvent narquoises comme le veut l’exercice vocalese, sont des instantanés autobiographiques, rendant hommage aux grands du jazz (« Cannonball Blues ») aussi bien qu’aux joies et drames de la vie.

L’interplay avec les musiciens est remarquable. Ainsi dans le jeu conjoint avec le saxophone ténor d’Olivier Témime, ici plus honker que jamais (« Honk If You Want It »), qui se régale à suivre et bonifier la voix de la diva, en étant autorisé à prendre quelque solo d’enfer (« Mama You Told Me », méchant blues) avant que la chanteuse n’emporte la partie sur un de ces chorus vocaux d’anthologie dont elle a le secret (« Ask Inside », monument latin et swing). De même le pianiste se voit gratifié d’instants de bonheur partagé, ainsi que le contrebassiste et le batteur qui s’en donnent à cœur joie, notamment sur « Reguletcha », bel hommage à Monty Alexander.

Cet « autre côté » de la grande Michele Hendricks prouve bien qu’elle a de bien belles choses à raconter, avec un immense sens du swing, ainsi que de l’amour et de l’humour à revendre.