Chronique

Philippe Soirat

On the Spot

Philippe Soirat (dms), David Prez (ts), Vincent Bourgeyx (p), Yoni Zelnik (b).

Label / Distribution : Gaya Music

Avant de s’affirmer en tant que leader, Philippe Soirat a bénéficié d’une solide réputation de sideman. Un musicien très prisé. Sa carte de visite ressemble en effet à un annuaire du jazz, en ce qu’il fut le partenaire de musiciens prestigieux de la scène internationale (citons Barney Wilen, Ricky Ford, Lee Konitz, Lou Donaldson, Dee Dee Bridgewater, Ray Brown, Johnny Griffin, Mark Turner, Phil Woods ou Steve Grossman) et hexagonale bien sûr (souvenons-nous par exemple de sa présence déterminante auprès des frères Belmondo lors de la création d’Hymne au Soleil). Le voici qui publie On the Spot, un nouveau disque de très belle facture (le troisième seulement, dix ans après You Know I Care et six ans après Lines and Spaces).

Si Philippe Soirat peut revendiquer un nombre impressionnant d’expériences et de collaborations musicales, il faut en même temps souligner sa fidélité à ses compagnons de quartet, qui sont les mêmes depuis les débuts de cette formation. On retrouve en effet David Prez au saxophone ténor, Vincent Bourgeyx au piano et Yoni Zelnik à la contrebasse. On sait par ailleurs que le batteur est un musicien dont la générosité du jeu, d’une grande musicalité, n’a d’égale que l’humilité et le sens de l’écoute, et qu’il parle un langage du jazz englobant son passé et son présent, sans jamais oublier toutefois d’entrouvrir de nouvelles portes. C’est là toute la question du modelage de la forme, sans cesse remise en question. Et pour ce troisième rendez-vous, il va chercher son inspiration du côté de chez Wayne Shorter, Miles Davis, Andrew Hill, Charles Mingus, Sam Rivers ou, par deux fois, John Coltrane (« Moment’s Notice », « Mr Day »), très cher à son cœur de musicien. Excusez du peu ! Philippe Soirat prend en outre le parti de se mettre en avant, en insérant entre les différentes reprises quatre brèves interventions en solo où s’illustrent sa science des nuances et son amour d’un instrument auquel il a consacré toute sa vie.

La force du quartet est incontestablement la densité de son propos : chaque note est l’expression d’une volonté de creuser encore et encore le sillon d’une musique qu’on connaît bien et qu’il s’agit pourtant de redécouvrir en la parant de nouvelles couleurs et en lui insufflant une énergie très contemporaine (autant de nuances parfaitement mises en évidence par l’excellente prise de son de Léo Aubry). Inutile de dire que, dans de telles conditions, la conversation entre ces quatre gentlemen est portée à un haut niveau. Il ne reste qu’à se laisser emporter et à céder à la séduction d’un disque qui raconte une histoire tout aussi passionnante que celle de ses deux prédécesseurs. Et que les trois excellents partenaires de Philippe Soirat veuillent bien nous pardonner si pour conclure, nous tenons à souligner, une fois de plus, la beauté formelle du jeu de leur leader : précision, présence et souplesse sont bel et bien au rendez-vous de cet hymne au groove. On the spot ! Ici et maintenant, c’est là que ça se passe !