Chronique

Rob Mazurek Quintet

Sound Is

Rob Mazurek (cnt), John Herdnon (dm, perc), Matthew Lux (elb), Josh Abrams (b, p), Jason Adasiewicz (vib)

Rob Mazurek est un musicien à part dans le paysage musical contemporain : ce touche-à-tout s’est frotté au jazz, au rock, au graphisme. Il se définit lui-même comme un « abstractiviste » du son et de l’image, à la fois cornettiste, improvisateur, compositeur et artiste multimédia. Même s’il est aujourd’hui installé à Sao Paulo, Mazurek est toujours très proche des musiciens de Chicago, que ce soit ceux de la scène jazz comme Nicole Mitchell ou du rock comme les membres de Tortoise. Parmi ses projets récents, on retrouve l’exceptionnel Exploding Star Orchestra, ensemble à géométrie variable qui a produit deux albums à découvrir d’urgence, dont un avec l’historique Bill Dixon [1]. Le cornettiste constitue également, avec le batteur Chad Taylor, la colonne vertébrale du projet protéiforme (duo, trio, quartet) Chicago Underground. Parmi les autres travaux de Mazurek, on retrouve le groupe inclassable Isotope 217 ou des solos, par exemple le magnifique Abstractions On Robert D’Arbrissel [2].

Pour ce nouveau disque, Sound Is, Mazurek s’entoure d’un quintet fortement marqué par Chicago en la personne de John Herndon (Tortoise), Matthew Lux (Isotope 217), Josh Abrams (Town and Country, le Black Earth Ensemble de Nicole Mitchell) et Jason Adasiewicz (Loose Assembly, Rolldown). Les origines musicales variées des membres de l’ensemble nourrissent sa musique. Dès les premières notes, le style de Mazurek est identifiable : nombreuses couches rythmiques et mélodiques, apport fondamental du vibraphone, complémentarité exemplaire de la contrebasse et de la basse électrique. La musique se fait atmosphérique, empruntant autant au minimalisme par les micro-évolutions au sein des séquences répétitives (« As If Angel Fell From The Sky ») qu’au rock (le très davisien « Lightning Field » ou « The Dream Rocker »). Toutefois, le quintet reste ancré dans le jazz, comme en témoigne le jeu du leader et certains morceaux (« The Earthquake Tree », « The Hill »… Là est la force des projets de Mazurek, et notamment de ce quintet : dans la faculté de marier les influences pour livrer une musique personnelle, mais aussi dans la sensation qui naît à chaque écoute : ici la musique est constamment, inéluctablement en mouvement, d’autant plsu que les morceaux forment une suite.

Mais chez ces musiciens, les qualités de compositeur et de rassembleur ne doivent pas occulter l’instrumentiste : superbe sonorité pleine, débordante et chaude pour le cornettiste, auteur d’entêtantes mélodies (« The Earthquake Tree » ou « Cinnamon Tree »), sur un tapis rythmique dense (« The Star Splitter ») constitué du vibraphone, de la contrebasse, de la basse, véritable point d’ancrage, et de la batterie - admirable John Herndon sur « The Hill ». (L’instrumentation confirme d’ailleurs l’importance du rythme chez Mazurek.) La complémentarité des cinq artistes et leur adhésion aux conceptions du leader assurent la réussite de l’ensemble. Une fois de plus, la preuve est faite que ce musicien/compositeur compte, bien qu’il soit insufisamment reconnu.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 17 août 2009
P.-S. :

NB : À lire, les notes de pochettes instructives d’Alexandre Pierrepont

[1Thrill Jockey.

[2Adluna Records.