Scènes

Une scintillante soirée

Le Glowing Life de Sylvaine Hélary était à Toulouse


Glowing Life par Michel Laborde

Sylvaine Hélary présente le nouveau répertoire de son quartet Glowing Life, le versant le plus électrique de ses nombreux défrichages sonores au Taquin de Toulouse le 28 février 2019

Dès son arrivée sur scène, Sylvaine Hélary donne la tonalité du concert « La vie scintillante ». Les non-anglophones lui disent merci pour cette traduction de Glowing Life et ce beau nom de groupe, les autres ouvrent déjà leurs oreilles. Scintillement, crépitement, chatoiement, le programme de la soirée est clair. La musique de Glowing Life s’inspire de l’école de Canterbury, cette mouvance des années 1970 où les musiciens de jazz et de rock traçaient une voie ambitieuse en marge de leurs chapelles respectives. Rythmique, thème, orchestration, rien ne cédait à la facilité. Au contraire, tout s’articulait avec maestria, originalité et une appétence pour des compositions complexes, mais bougrement vivantes et dans l’air du temps. La référence la plus évidente à l’écoute de Glowing Life est le Soft Machine du batteur/chanteur Robert Wyatt.

Sylvaine Hélary © Michel Laborde

Le son d’ensemble du groupe évoque les années 1970 : la flûte de Sylvaine Hélary s’inscrit dans la lignée de celle de Herbie Mann ou de Hubert Laws. Quelques traitements électroniques viennent enrichir sa palette sonore. Son jeu est tout en mélopées. En l’écoutant, il se crée une sensation fort agréable : celle d’être aspiré et emmené vers quelque chose de doux et de tendre. Sur les rythmiques plus martiales de ses compagnons, son débit s’accélère et sa sonorité laisse alors entendre plus de souffle et de vélocité. Sylvaine Hélary chante aussi. Autant le dire tout de suite, il s’agit des meilleurs moments de ce concert. Que ce soit du parlé-chanté où la flûtiste se mue en narratrice ou juste du chant, ses interventions à la voix font basculer le concert dans une pop sophistiquée. Peut-être est-ce la présence de Benjamin Glibert, mais l’impression d’entendre une production signée de Bertrand Burgalat et son label Tricatel devient de plus en plus irrésistible. Justement, le guitariste s’est fait connaître avec Aquaserge, son groupe de pop arty.

Benjamin Glibert © Michel Laborde

Dans ce format club et ce registre jazz, il laisse entendre tout son talent. Benjamin Glibert sonne comme Brian May jouant du jazz ou comme Bill Frisell jouant du rock. Distorsion, phrases précises et ciselées, accords égrainés façon western ou déchainement bruitiste, la palette de son jeu vient trancher avec l’orgue d’Antonin Rayon. Jeu sur les timbres, nappes de notes ou interventions au Moog, sa sonorité chaude et chatoyante contribue grandement à la couleur d’ensemble du groupe. La musique s’épaissit par moments mais le propos sait rester léger et aérien. Quand Benjamin Glibert passe à la basse, celle-ci se fait bien remarquer, tout en restant chaloupée.

Les thèmes sont jazz, ils peuvent être sombres ou, comme sur l’un des derniers morceaux du concert, plutôt biscornus et sous l’influence de Frank Zappa. Sylvaine Hélary convoque des univers différents aussi bien musicaux (une relecture de Sydney Bechet) que littéraires (des textes d’Éric Vuillard ou de Samuel Beckett). Si l’ensemble peut encore gagner en cohérence, ce concert de début de tournée promet de belles choses pour la suite.